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Deux châteaux du Bordelais poursuivis pour l'épandage de pesticides près d'une école

Deux châteaux du Bordelais devront s'expliquer devant la justice pour avoir procédé en 2014 à l'épandage de fongicide près d'une école de Villeneuve-de-Blaye (Gironde) où des élèves avaient été pris de malaise, un procès qui pourrait faire jurisprudence.

De non-lieu en plainte contre X, la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Bordeaux a finalement décidé mardi de renvoyer devant le tribunal correctionnel de Libourne les domaines d'appellation Côtes de Bourg, Château Escalette et Château Castel La Rose, pour "utilisation inappropriée de produits phytopharmaceutiques", estimant que les moyens utilisés lors du traitement des vignes "étaient manifestement insuffisants" pour protéger l'école voisine et ceux qui s'y trouvaient.

"C'est une bonne nouvelle. La santé de nos enfants mérite bien un procès. Les viticulteurs mis en cause pourront s'exprimer, se défendre dans le cadre d'un procès contradictoire et public", s'est réjoui le défenseur de l'association environnementale Sepanso, François Ruffié.

La date du procès n'est pas encore connue mais c'est la première fois qu'un tel procès concernant des enfants va avoir lieu, a-t-il souligné.

En mai 2014, une vingtaine d'élèves et une enseignante d'une école primaire de Villeneuve-de-Blaye, dans le nord de la Gironde, avaient été pris de malaises, ou s'étaient plaints de picotements aux yeux, de maux de gorge, à la suite de l'épandage de fongicides sur des vignes proches. Ils avaient ensuite été confinés dans les locaux scolaires.

Ces deux domaines avaient traité ce jour-là leurs parcelles avec des produits certes autorisés mais présentant un risque de nocivité (irritation de la peau, lésions oculaires, inhalation dangereuse, etc.). Le château Castel La Rose, en conventionnel, avait utilisé les fongicides Eperon et Pepper tandis que le château Escalette, en agriculture biologique, avait préféré de la bouillie bordelaise, de l'Héliocuivre et de l'Héliosoufre S.

Après avoir initialement classé l'affaire sans suite, la justice avait ouvert une information judiciaire à Libourne après une plainte contre X de la Sepanso, et les deux châteaux avaient été mis en examen en octobre 2016.

- 128 écoles concernées en Gironde -

Un non-lieu avait été prononcé en septembre 2017 à Libourne mais la Sepanso a fait appel et la chambre de l'instruction a infirmé mardi cette décision.

Les avocats des deux domaines ont soutenu que "l'entraînement des produits hors des parcelles traitées n'a pas été prouvé et qu'il n'y aurait pas de lien de causalité entre le traitement des vignes concernées et les symptômes ressentis par les enfants et l'institutrice".

Mais la cour, elle, relève que "l'infraction est constituée dès lors qu'il est établi que la société en cause n'a pas mis en œuvre les moyens appropriés pour éviter" une contamination hors de la zone traitée, "sans qu'il soit nécessaire de prouver la réalité d'une contamination".

Or "aucun anémomètre n'était utilisé par les exploitants mis en examen et leurs salariés pour vérifier les conditions de vent. La force du vent était appréciée +en regardant les arbres bouger+", s'étonne la cour dans sa décision.

"L'examen des effets du vent dans les arbres apparaît comme une méthode bien trop empirique" et "les moyens utilisés" par les deux châteaux lors du traitement des vignes "étaient manifestement insuffisants".

Quant aux symptômes dont se sont plaints les enfants, ils "correspondent tout à fait aux effets décrits comme conséquence des produits irritants utilisés ce jour-là", ont jugé les magistrats.

Contactés par l'AFP, le château Castel la Rose n'a pas souhaité réagir tandis que l'Escalette n'a pu être joint.

En Gironde, 128 écoles sont situées près des vignes, selon la préfecture. 35 communes ont rédigé une charte qui va plus loin que l'arrêté préfectoral d'avril 2016, contraignant les viticulteurs à pulvériser à au moins 50 m des établissements scolaires.

Certains de ces épandages contestés sont déjà allés jusqu'au procès. En 2013, la cour d'appel de Nîmes a condamné une entreprise de riziculture à 10.000 euros d'amende pour avoir aspergé d'herbicide une exploitation voisine, en 2009 à Saint-Laurent-d'Aigouze (Gard). Trois pomiculteurs corréziens, poursuivis pour avoir épandu des pesticides sur leurs fruits par vent trop fort, ont quant à eux été relaxés en 2011 au bénéfice du doute.

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