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Jean-Dominique Senard, de Michelin à la succession de Carlos Ghosn

Nouveau patron, nouveau style: après sept ans à la tête de Michelin, Jean-Dominique Senard arrive à la présidence de Renault avec une image de patron social et diplomate, aux antipodes de celle du "tueur de coûts" Carlos Ghosn.

"Je mesure l'importance de la tâche", a assuré jeudi M. Senard, pour ses premières déclarations après avoir été choisi pour diriger un groupe de 180.000 personnes, "dont la résonance en France et dans le monde n'est plus à faire". "Je ressentirai dans l'exercice de mes fonctions une forte humilité et une forte détermination", a-t-il promis.

Réputé élégant et affable, l'ancien élève d'HEC avait reçu fin janvier un hommage appuyé: celui du président d'Emmanuel Macron, qui avait qualifié Michelin d'"entreprise modèle" lors d'une visite du centre de technologie de Ladoux, près de Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme).

"Michelin, c'est un exemple parfait de ces entreprises qui ont à la fois une très grande productivité" et qui "a toujours été attachée dans le même temps au dialogue social et à la formation", avait alors déclaré le président de la République.

M. Senard, 66 ans en mars, avait de longue date planifié sa succession à la tête du deuxième fabricant mondial de pneus pour mai, quand son directeur général exécutif Florent Menegaux doit lui succéder. Ce programme n'est pas modifié par l'accession de M. Senard à ses nouvelles fonctions: il cumulera les deux postes pendant quelques mois, réduction des émoluments à la clé, a néanmoins précisé la firme au bibendum.

Chez Michelin, où il est le premier patron non membre de la famille fondatrice, le natif de Neuilly-sur-Seine (Hauts-de-Seine) avait mis en pratique son credo: négocier des assouplissements dans l'organisation du travail, pour préserver en France des sites menacés par l'arrivée de produits à moindre coûts en provenance d'Asie.

- Travail sur l'objet social de l'entreprise -

Physique sec, fils d'un diplomate et d'une mère aristocrate, passé par le collège catholique Sainte-Croix, M. Senard plaide depuis longtemps pour pouvoir négocier le temps de travail avec les salariés au niveau de l'entreprise. Il expliquait en décembre 2015, dans un entretien avec l'AFP, vouloir que "l'accord d'entreprise prenne le pas sur la convention collective, voire la législation".

Des accords de compétitivité novateurs avaient été conclus sur les sites Michelin de Roanne (Loire) et La Roche-sur-Yon (Vendée), prévoyant des investissements et une sauvegarde des emplois en échange de davantage de flexibilité dans les horaires des salariés.

Interrogé sur cette réputation de patron social, Michel Chevalier, délégué syndical de la CGT au sein du groupe Michelin, répond à l'AFP: "le dialogue social... A condition d'être d'accord avec la direction."

"C'est quelqu'un qui passe bien, qui a une facilité à parler, qui parle de capitalisme raisonné... On ne peut pas dire que cela se passe comme ça dans l'entreprise", estime le syndicaliste.

Ce dernier renvoie notamment à l'accord mettant en place les comités sociaux et économiques (CSE) prévus par les ordonnances travail et signé en octobre 2018 par la CFE-CGC, premier syndicat, et la CFDT, 4e. "Les négociations ont été très difficiles et vont laisser des traces dans le dialogue social chez Michelin", avait alors réagi Jean-Christophe Laourde, délégué central CFE-CGC, regrettant que la direction ait "tordu le bras" au syndicat.

Le dirigeant d'entreprise, qui avait été recruté par Edouard Michelin en 2005 au poste de directeur financier après des passages par Total (de 1979 à 1987), Saint-Gobain (1987 à 1996) et Pechiney, avait été choisi par le ministre de l'Economie Bruno Le Maire, pour plancher, début 2018 et avec l'ancienne dirigeante de la CFDT Nicole Notat, sur le projet d'élargissement de l'objet social de l'entreprise.

Longtemps considéré comme un des favoris pour succéder au printemps 2017 à Pierre Gattaz à la tête du Medef, l'organisation patronale française, M. Senard avait finalement jeté l'éponge en raison de la limite d'âge pour être candidat, fixée statutairement à 65 ans. Au poste de président du conseil d'administration de Renault, l'âge limite est de 72 ans.

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