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Kaboul suffoque, étouffée par une pollution de l'air "mortelle"

Habitués de longue date aux risques de bombes et d'attentats-suicides, les habitants de Kaboul font face cet hiver à une nouvelle menace potentiellement mortelle: la pollution atmosphérique.

Depuis que l'hiver s'est emparé de l'Afghanistan et de son territoire montagneux, un épais brouillard toxique recouvre la capitale, située à 1.800 mètres d'altitude, où résident cinq millions d'habitants.

Le manque de précipitations, l'air froid et l'absence de vent emprisonnent les gaz d'échappement du très vieux parc automobile diesel ainsi que les fumées des chauffages domestiques au charbon, au bois et tout autres rebuts pouvant être brûlés tels ordures ménagères et même pneus de voitures...

La pénurie chronique d'électricité contraint de nombreuses familles à utiliser des poêles ou chauffages au fioul qui contribuent à la détérioration de la qualité de l'air.

Cet effet cloche atteint son apogée le soir et tôt le matin lorsque les températures descendent en dessous de zéro degré. Les particules fines dangereuses, mêlées aux fumées suspendues dans l'air, forment un rideau épais réduisant la visibilité et rendant la respiration difficile.

Les Kaboulis se plaignent cet hiver d'une qualité de l'air encore détériorée par rapport à celle des années précédentes. Un point de vue partagé par les médecins qui ont signalé une forte augmentation du nombre de maladies respiratoires au cours des dernières semaines.

"Les années précédentes, 30 à 40% de nos patients souffraient d'infections respiratoires aiguës mais cette année ce pourcentage est passé à 70-80%", indique Akbar Iqbal, médecin à l'unité de soins intensifs de l'hôpital pour enfants Indira Gandhi de Kaboul, pointant "le froid et la pollution" comme "raisons principales".

Selon un ancien fonctionnaire de l'Agence nationale de protection de l'environnement (NEPA), la pollution de l'air cet hiver peut désormais être qualifiée de "mortelle".

"Cela peut provoquer des fausses couches ainsi que des retards de croissance et des problèmes de développement mental chez les nouveaux-nés, et peut mener à de nombreuses formes de cancer", estime ce responsable, Abdul Hadi Zhemen.

- "Toux d'hiver" -

La pollution de l'air à Kaboul dépasse chaque jour les valeurs recommandées par l'Organisation mondiale de la santé (OMS) et la capitale s'est récemment classée parmi les 10 villes plus polluées du monde, selon le réseau AirVisual.

L'OMS avertit qu'une exposition à long terme à la pollution atmosphérique peut provoquer des accidents vasculaires cérébraux, des maladies cardiaques, des cancers du poumon et des maladies respiratoires.

Les autorités afghanes tentent de sensibiliser la population aux dangers de la pollution de l'air et encouragent l'utilisation de masques même s'ils n'offrent qu'une protection imparfaite.

"Les jours les plus pollués, nous conseillons aux gens de rester chez eux, en particulier le soir et le matin lorsque le niveau de pollution est le plus élevé", indique Mohammad Kazem Homayoun, responsable du NEPA à Kaboul.

Dans un pays où la plupart des gens sont analphabètes et où l'accès aux soins de santé est limité, ces recommandations sont peu suivies d'effet.

Et même les médecins informés des dangers disent ressentir les effets de la pollution atmosphérique.

Sohrab Noori, chef de l'unité de soins intensifs de l'hôpital Wazir Akbar Khan, où le nombre d'admissions pour problèmes respiratoires a augmenté, a reconnu qu'il avait développé pour la première fois une "toux d'hiver".

"Je pense que c'est une réaction allergique à la pollution de l'air", dit-il en passant devant des patients branchés à des bouteilles d'oxygène.

"Si la pollution de l'air continue à long terme, dans deux ou trois mois, nous pourrions avoir une grave crise sanitaire", prévient-il.

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