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L'essor de la bière artisanale met le houblon sous pression

Après le réveil de la bière, la renaissance du houblon: cette plante grimpante, convoitée pour ses fleurs aromatiques, suscite des vocations d'agriculteurs partout en France, sous la pression des brasseurs artisanaux, qui stimulent la demande en variétés nouvelles.

Dans un champ reculé d'Allaire (Morbihan), Romain Chemin, néo-houblonnier de 29 ans, s'active avec deux amis dans le froid au milieu d'une forêt de 120 poteaux reliés au sommet par de lourds câbles culminant à sept mètres du sol. La houblonnière aura demandé près d'un mois de travail à ce jeune maraîcher bio, aidé de parents et d'amis. Une fois terminée, il lui faudra encore mettre en terre les 2.500 plants de houblon qui enrouleront leur liane sur la structure de bois et d'acier.

"C'est un plante fascinante, une liane de 10 mètres qui pousse entre mars et août et peut atteindre 26 centimètres de développement en une seule journée", s'enthousiasme Johann Laskowski, 35 ans, venu donner un coup de main.

Lui aussi s'est lancé dans le secteur avec la Houblonnière Francilienne (La Houf), dans les Yvelines, qui devrait produire trois tonnes de houblon dans trois ans.

Comme Romain et Johann, ils sont une trentaine à s'installer un peu partout en France en 2018, selon l'association Houblons de France, qui estime qu’il y aura 25 nouveaux hectares plantés cette année, l'essentiel en agriculture biologique.

Historiquement, la production française de houblon est concentrée en Alsace. Avec 450 hectares (dix fois moins qu'il y a un siècle), cette région produit encore 96% du houblon français.

Mais l'essor des brasseries artisanales, dont le nombre a doublé en cinq ans, pour dépasser les 1.200 aujourd'hui, a chamboulé le secteur.

"Les brasseries artisanales utilisent plus de houblon que les industriels, des variétés plus fruitées, aromatiques", avance Édouard Roussez, 26 ans, président de Houblons de France et lui-même producteur dans le Nord.

"On a besoin de houblon aromatique, de choses un peu excentriques. Pour l'instant, on ne les a pas", approuve Jean-François Drouin, président du syndicat national des brasseurs indépendants (SNBI), pour qui "les Alsaciens n'ont pas été très visionnaires: ils n'ont pas anticipé".

Houblon "Cascade", "Brewers Gold", "Chinook", "Centennial", "Saaz" ou "Nugget". Peu produites en France, ces variétés sont achetées "très cher aux États-Unis" par certains brasseurs, souligne M. Drouin.

- 'prudence'-

"Il faut quinze jours pour monter une brasserie mais trois ans pour produire du houblon. On ne peut pas suivre la cadence au même rythme", rétorque Antoine Wuchner, responsable commercial chez Eurepi, la société qui commercialise le houblon alsacien.

Issu de variétés différentes de celles prisées par les brasseurs artisanaux, le houblon alsacien est exporté à 70%, principalement au Royaume-Uni, en Belgique et aux États-Unis.

Soucieux de ne pas passer à côté du réveil de la bière artisanale, les Alsaciens ont embauché un nouveau commercial, par ailleurs brasseur amateur, pour "être à l'écoute" de ce marché, selon Antoine Wuchner.

"Il y a de la prudence", reconnaît-t-il cependant, alors que les houblonniers ont connu une violente crise en 2008 qui les a conduits à arracher des centaines d'hectares de rhizomes en quelques années.

Quant aux néo-houblonniers, leur défi est de "faire un houblon de qualité sans faire du copier-coller des Alsaciens", explique Johann Laskowski.

"On bouscule un peu les règles", note Romain Chemin. "Mais on veut juste réimplanter la culture du houblon dans des territoires qui l'avaient perdue".

Des filières courtes, du houblon bio et local mais aussi plus cher. "C'est un défi de tous les jours", dit Matthieu Cosson, un des précurseurs, installé à Bourgneuf-en-Retz (Loire-Atlantique).

Naissante, sa production est déjà appréciée des brasseurs. "Il propose un produit de qualité, c'est un passionné. On est super satisfait", salue Benoit Corre, de la brasserie du Baril à Brest.

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