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L'Ukraine franchit une étape difficile dans la lutte contre la corruption

Après des mois de difficiles tractations, l'Ukraine a fait jeudi un grand pas vers la création d'une cour anticorruption, une exigence clé pour la reprise de l'aide du FMI, avec lequel les relations pourraient se trouver compliquées par le renvoi du ministre des Finances.

Un total de 315 députés -le minimum requis était de 226- ont voté en deuxième et dernière lecture un projet de loi sur la création de cette instance, réclamée de longue date par les bailleurs de fonds occidentaux de l'Ukraine, Fonds monétaire international en tête.

Dans la foulée, ils ont approuvé par un autre vote le limogeage du ministre Oleksandre Danyliouk, en conflit ouvert avec le Premier ministre Volodymyr Groïsman.

C'est la deuxième fois en à peine plus de deux ans que change le titulaire de ce poste de premier plan pour un pays dépendant de l'aide financière occidentale et toujours en proie à une guerre dans l'est.

Très difficile à obtenir, le vote sur la cour a été salué par les milieux politiques ukrainiens et les militants anticorruption.

"Je considère ce jour comme historique et je vous félicite", a déclaré aux députés le président Petro Porochenko, présent dans l'hémicycle au moment du vote.

Selon l'élu Moustafa Naïem, les députés ont finalement attribué à des experts internationaux un "rôle décisif" dans la sélection des juges de ce tribunal, ce que Kiev refusait depuis des mois, préférant que leur rôle ne soit que consultatif.

On ignorait cependant pour le moment si les dispositions de ce texte correspondaient bien aux attentes du FMI, de nombreux amendements importants y ayant été apportés à la dernière minute jeudi.

Le Fonds monétaire international "est impatient d'examiner la loi approuvée pour évaluer sa conformité avec (...) le programme du FMI", a déclaré le représentant de cet organisme en Ukraine, Goesta Ljungman.

La lutte contre la corruption des élites était l'une des revendications majeures des participants au soulèvement pro-européen du Maïdan en 2013-2014 et reste l'une des principales demandes des Occidentaux soutenant le pouvoir actuel, issu de ce mouvement

L'Ukraine s'est dotée ces dernières années de nouvelles structures pour combattre la corruption mais la création d'une haute cour indépendante censée devenir le point d'orgue de ce système traînait.

- Encore une condition du FMI -

Le texte voté jeudi définit les modalités du fonctionnement de ce tribunal dont la mise en place prendra encore des mois et sera enclenchée par une loi séparée, purement technique et dont le vote ne doit poser aucun problème.

En revanche, le renvoi du ministre des Finances risque de faire traîner les négociations avec le FMI, dont l'aide est pourtant cruciale pour l'Ukraine, qui sort à peine d'une gravissime crise économique, ont estimé plusieurs banquiers ukrainiens interrogés par l'agence de presse Interfax-Ukraine.

"La destitution du ministre des Finances est toujours un mauvais signe, mais il est quand même plus important de remplir les conditions posées par le FMI dont (la création de) la cour anticorruption", a nuancé Tymofiy Mylovanov, le président honoraire de l'Ecole de l'économie de Kiev (KSE).

Il a salué la nomination d'une adjointe de M. Danyliouk, Oksana Markarova, aux fonctions de ministre par intérim. "Elle a une bonne réputation professionnelle", a souligné l'expert.

Un des acquis importants de M. Danyliouk a été la mise en oeuvre du remboursement automatique de la TVA en Ukraine, une mesure très appréciée par des groupes étrangers et dont l'absence était considérée comme une source importante de corruption.

Après l'arrivée au pouvoir de pro-occidentaux à Kiev en 2014, le FMI avait accordé un plan d'aide de 17,5 milliards de dollars à l'Ukraine, alors au bord du défaut de paiement sur sa dette publique, avec pour contrepartie l'adoption de mesures de rigueur.

Le versement des différentes tranches de cette aide a cependant été retardé par les difficultés à prendre les mesures demandées par le FMI et les lenteurs dans la lutte contre la corruption.

Même si le Fonds donne son approbation à la loi votée jeudi, l'Ukraine va devoir procéder à une hausse du prix de gaz de ville afin d'obtenir la reprise de son aide financière, prévient Glib Vychlinski, le directeur exécutif du Centre pour la stratégie économique à Kiev.

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