Accueil Actu

La BCE garde son rythme de crise pour faciliter la reprise

"Prématuré, trop tôt, inutile": la Banque centrale européenne s'est montrée imperméable jeudi aux questions sur la réduction progressive de ses soutiens monétaires, qu'elle a décidé de prolonger afin d'accompagner le redémarrage de l'économie.

Comme attendu, l'institution présidée par Christine Lagarde a décidé de conserver un niveau élevé d'achats de dettes publiques et privées au troisième trimestre.

Cette politique est nécessaire "pour réduire l'incertitude et renforcer la confiance", a insisté Mme Lagarde au moment où le reflux de la pandémie et la réouverture des économies permettent de tabler sur un "fort rebond" de l'activité dans la deuxième moitié de l'année.

La BCE a également décidé de garder le statu quo sur ses taux directeurs historiquement bas.

Les interrogations portaient essentiellement sur l'avenir du programme d'urgence (PEPP) lancé au début de la crise sanitaire avec une enveloppe de 1.850 milliards de dollars, et du programme plus ancien d'assouplissement quantitatif (QE).

Mais l'institution de Francfort n'a pas changé les termes de son dernier communiqué de mars, annonçant qu'elle allait continuer ses achats de dette "à un rythme nettement supérieur" à celui des premiers mois de l'année.

Après des tensions cet hiver sur le marché des taux d'Etats européens, la BCE avait décidé d'accélérer son intervention en dépensant chaque semaine quelque 20 milliards d'euros de son PEPP, contre 14 milliards en moyenne auparavant.

- "Gagner du temps" -

Passée sur le grill, lors de la conférence de presse, pour savoir si la BCE réfléchissait déjà à réduire la voilure, la Française a été sans équivoque: "il est inutile de nous perdre en conjectures ; c'est trop tôt, c'est prématuré, c'est inutile de discuter de ces questions à plus long terme et ces questions n'ont pas été discutées par le conseil des gouverneurs", a-t-elle martelé à plusieurs reprises.

"La BCE gagne manifestement du temps" et préfère pécher par pessimisme "plutôt que de retirer prématurément son stimulus monétaire", analyse Carsten Brzeski, de la banque ING.

Le conseil des gouverneurs est plus optimiste qu'il y a trois mois, jugeant désormais les risques "globalement équilibrés" pour l'économie, une formulation plus utilisée depuis 2018.

Mais il garde en tête que la propagation des variants du Covid-19 "continue d'être une source de risques de détérioration".

Reflétant le rebond de l'économie plus rapide qu'attendu, la BCE a relevé ses prévisions de croissance du PIB en zone euro à 4,6% en 2021 et 4,7% en 2022, plus que les 4,0% et 4,1% prévus dans les projections de mars.

Pour 2023, les économistes de la BCE s'attendent toujours à une croissance de 2,1%

- Inflation temporaire -

La BCE ne croit pas à un dérapage durable des prix: l'inflation restera "en dessous de notre objectif" -- proche mais inférieur à 2% -- sur la période de projection jusqu'en 2023, a expliqué Mme Lagarde.

L'institution a néanmoins revu à la hausse ses anticipations d'inflation, à 1,9% cette année et 1,5% l'année prochaine, plus que les 1,5% et 1,2% annoncés précédemment, en raison de facteurs "temporaires" liés à la reprise économique et à la hausse des prix de l'énergie.

A l'horizon 2023, la BCE table toujours sur une inflation à 1,4%, comme en mars, ce qui signifie qu'elle ne voit pas de pressions inflationnistes s'installer durablement après la sortie espérée de la pandémie.

Notamment parce que "un facteur nécessaire à l'inflation, à savoir les hausses de salaires, devrait manquer", juge Louis Boisset, économiste chez BNP Paribas.

Les Etats-Unis sont eux confrontés à un dilemme similaire, les investisseurs anticipant de plus en plus que la Réserve fédérale soit obligée de réduire ou d'alléger son programme d'achat d'obligations, ou de relever les taux d'intérêt, pour éviter une surchauffe de l'économie.

L'inflation américaine a grimpé à 5% en mai sur un an, selon les données publiées pendant la conférence de presse de Mme Lagarde.

La Française a expliqué que la BCE était "attentive à la situation mondiale", mais que la zone euro ne se trouvait pas à un stade de la reprise aussi avancé que celui des Etats-Unis, justifiant l'engagement européen à maintenir des "conditions de financement favorables".

Elle se range ainsi du côté des "colombes", majoritaires au conseil des gouverneurs de la BCE, adeptes d'un large soutien à l'économie, par rapport aux "faucons" préférant une politique monétaire restrictive.

Ces derniers, issus principalement des pays du nord de la zone euro, devraient, après l'été, remettre sur la table la question du retrait des soutiens de la BCE.

À lire aussi

Sélectionné pour vous