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La BCE joue la montre avant un sommet crucial pour le Brexit

La Banque centrale européenne (BCE) a repoussé mercredi toutes ses décisions à plus tard, à quelques heures d'un sommet crucial sur le Brexit, sur fond de trou d'air conjoncturel plus durable que prévu.

"Revenez en juin", résume Florian Hense, de la banque Berenberg. L'institut de Francfort n'a en effet "infléchi ni l'évolution de la politique monétaire" en maintenant ses taux à leur plancher historique au moins jusqu'en fin d'année, "ni son évaluation de la situation économique".

La BCE a également botté en touche sur deux sujets plus techniques: les détails de son nouveau programme de prêts géants aux banques, et d'éventuelles mesures pour compenser les effets des taux négatifs sur les établissements financiers.

"Là maintenant, il est trop tôt pour décider", a déclaré à la presse le président de l'institut Mario Draghi, évacuant les spéculations des dernières semaines sur ces questions techniques mais brûlantes pour les marchés.

Dans l'ensemble, M. Draghi a dépeint une zone euro toujours en proie à de multiples "risques", allant des "incertitudes géopolitiques" à la "menace protectionniste", en passant par la "fragilité des marchés financiers".

Le Brexit, objet mercredi soir d'un sommet européen extraordinaire qui devrait en reporter l'échéance, contribue à "l'incertitude globale qui plane sur notre continent", a estimé le banquier italien.

- 'Refroidissement' -

La BCE redoute surtout un divorce sans accord, le scénario du pire qui mettrait les marchés financiers dans la tourmente et accentuerait le ralentissement de l'économie.

M. Draghi, qui conserve "l'espoir" d'un impact mesuré du Brexit, sans préjuger de la nature de l'accord qui sera trouvé, a surtout mis en garde contre les conséquences "dans certains pays très exposés à l'économie britannique", susceptibles "de se répercuter au reste du continent.

Plus largement, il a souligné que les indicateurs économiques restaient "faibles, notamment (dans) le secteur manufacturier", en raison du ralentissement de la demande extérieure.

Le Fonds monétaire international a ainsi abaissé mardi de 0,3 point son pronostic de croissance pour la zone euro cette année, à 1,3%, et la BCE doit actualiser ses propres prévisions lors de sa réunion de juin.

"Reste maintenant à espérer que l'économie s'en tiendra à un refroidissement, et qu'il n'y aura aucun signe de récession ni de nouvelle baisse des taux d'inflation", commente Jan Holthusen, économiste à la DZ Bank.

- Baisses de taux ? -

En jouant la montre, la BCE laisse aussi aux tensions commerciales la possibilité de se dissiper, alors que les négociations entre Chine et Etats-Unis tardent à aboutir, pendant que Washington menace l'UE de nouvelles taxes.

Les gardiens de l'euro "restent en état élevé d'alerte" mais veulent prendre du recul avant toute décision, y compris sur des points apparemment techniques concernant les banques, résume Carsten Brzeski, de la banque ING.

Pour lui, un système de compensation partielle des taux négatifs pour les banques (dit "tiering") représenterait ainsi "le dernier recours, préparant les bases d'un nouvel assouplissement monétaire" que la BCE "espère toujours éviter".

Depuis trois ans, le principal taux de refinancement des banques est en effet calé à zéro et celui taxant les liquidités excédentaires des banques, donc non distribuées dans l'économie, est négatif à -0,40%, entraînant pour le secteur une facture annuelle d'environ 7,5 milliards d'euros, principalement supportée par les banques allemandes et françaises.

L'institut de Francfort soutient déjà largement l'économie, en conservant ses taux au plus bas au moins pour cette année, et en s'engageant à réinvestir "aussi longtemps que nécessaire" son stock pléthorique de 2.600 milliards d'euros d'obligations acquises depuis mars 2015.

Si la conjoncture devait encore se dégrader, la BCE a néanmoins "l'intention de menacer le marché de nouvelles baisses de taux", avance Frederik Ducrozet, stratégiste chez Pictet Wealth Management.

Pour lui, "l'espoir demeure" cependant que cette option, qui serait très mal accueillie par les banques comme par certains pays dont l'Allemagne, "ne sera jamais utilisée".

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