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La Caisse des dépôts prête main forte à l'exécutif sur les "territoires"

Avec un défilé de ministres mercredi, le gouvernement accompagne étroitement une réorganisation de la Caisse des dépôts en faveur des "territoires", au moment où la politique de l'exécutif est scrutée de près sur les banlieues et le logement.

"Beaucoup de choses sont à revoir, à réhabiliter, à construire et à réinventer, y compris nos modes de financement et d'organisation", a déclaré Edouard Philippe, le Premier ministre, à la Cité de la Mode et du Design à Paris. "L'Etat, la Caisse des dépôts et la +banque des territoires+ vont agir dans une logique de très grande complémentarité."

"Banque des territoires", c'est le terme choisi par la Caisse des Dépôts, bras financier de l'Etat, pour le premier grand projet de son patron Eric Lombard depuis son arrivée fin 2017. Le dispositif, présenté lors d'une journée conclue par M. Philippe, sera chapeauté par le numéro deux de l'institution, Olivier Sichel.

Concrètement, il ne s'agit ni d'un nouvel organisme ni de nouvelles offres, mais d'une réorganisation pour faciliter la lutte contre la "fracture territoriale".

Principale nouveauté pour les élus locaux ou les organismes du logement social, un secteur financé par la Caisse à partir notamment de l'argent des Livrets A: un seul point d'accès aux différentes offres de l'institution.

Celle-ci insiste sur la diversité de ses actions, du conseil aux investissements directs, mais ce sont les prêts qui restent au centre de son offre. La Caisse a prêté l'an dernier 15 milliards d'euros au logement social et deux milliards aux collectivités.

En comptabilisant prêts et investissements, elle espère voir 20 milliards annuels transiter par le nouveau dispositif, légèrement plus que dans l'organisation actuelle.

"Notre priorité doit être de financer les opérateurs et les collectivités qui ont le moins accès à ces financements: c'est plutôt les villes moyennes, les quartiers, la ruralité", a déclaré M. Lombard à l'AFP.

- Des syndicats sceptiques -

Ce discours fait fidèlement écho à la ligne du gouvernement sur plusieurs dossiers d'actualité: le logement social, dont la réorganisation est au coeur d'un touffu projet de loi examiné cette semaine par les députés, et surtout les banlieues, sur lesquelles le président de la République Emmanuel Macron veut "changer de méthode".

Tout en dévoilant une série de mesures pour les quartiers défavorisés, le chef de l'Etat s'est abstenu la semaine dernière de lancer un plan chiffré, affichant sa volonté de rupture avec 40 ans de politique de la ville et son refus du "clientélisme local".

"Je n'ai pas été surpris de ses propositions (...) qui reposent sur la responsabilité des acteurs", a déclaré M. Lombard à l'AFP. "(Je) ne fais pas de politique... Mais la Caisse a un rôle de soutien des politiques publiques, donc on n'est pas très loin non plus."

De fait, les membres du gouvernement se sont succédé mercredi pour appuyer les ambitions de la Caisse, dont certains aspects font par ailleurs grogner les syndicats: plus ou moins favorables au projet selon leur degré de réformisme, ils sont tous sceptiques quant au terme de "banque".

Avant la clôture par M. Philippe, le ministre de la Cohésion des Territoires, Jacques Mézard, a confirmé le déblocage par la Caisse de deux milliards d'euros de prêts à très long terme au logement social.

Déjà annoncés en avril par l'institution, ces prêts sont à taux zéro pour les bailleurs car l'organisme paritaire Action Logement prendra les intérêts à sa charge.

Surtout, en ouverture de la journée, le ministre de l'Economie, Bruno Le Maire, a donné le ton en prévenant que la Caisse devait être le "bras armé d'une volonté politique".

Les intentions de Bercy sont d'autant plus surveillées que le ministère présente fin juin un vaste projet de loi sur le financement de l'économie, dit Pacte, qui prévoit de réformer la gouvernance bicentenaire de l'institution.

Là encore, alors que M. Lombard se montre pleinement solidaire de cette réforme en promettant de conserver "l'autonomie et la souplesse" de la Caisse, certains syndicats, comme la CGT, s'inquiètent d'une "banalisation" et d'un manque d'indépendance face à l'exécutif.

"C'est comme quand vous emmenez votre enfant chez le docteur: il crie avant même la piqûre", a ironisé M. Le Maire, faisant allusion à des inquiétudes quant à une perte d'influence des parlementaires.

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