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La cause du climat secouée par la crise des "gilets jaunes"

Rien ne va décidément plus pour le climat, victime collatérale d'une révolte des "gilets jaunes" qui a enterré la hausse de la taxe carbone et perturbé l'organisation des marches prévues samedi en France en pleine COP24.

Pour les défenseurs de la transition écologique, qui répètent avoir alerté le gouvernement du manque de filets sociaux entourant la montée de la fiscalité carbone, la pilule est amère. Et l'inquiétude, voire la colère, sourdent.

A Paris, le cortège sera, selon les organisateurs, ouvert par deux banderoles: "alarme climatique", mais aussi "fin du monde, fin de mois, changeons le système" -- clin d’œil aux revendications sociales des "gilets jaunes".

"Justice sociale et justice climatique sont les deux faces d'une même pièce", souligne Cécile Marchand, du mouvement Alternatiba.

Une centaine de défilés sont prévus dans l'Hexagone, dans le cadre d'un appel international soutenu par des dizaines d'ONG et syndicats, à l'occasion de la conférence climat de l'ONU en Pologne. Ils font suite à deux précédentes mobilisations, en septembre et octobre, de dizaines de milliers de manifestants.

Malgré les craintes pour la sécurité, après les heurts ayant marqué les rassemblements de "gilets jaunes" samedi dernier, pas question pour les organisateurs de la marche parisienne, qui se terminera par un concert place de la République, de reporter quand les mauvaises nouvelles s'accumulent: boom des émissions mondiales de gaz à effet de serre, accélération des impacts, grand écart entre objectif de l'accord de Paris et actions des pays...

"On a l'impression que l'urgence n'est pas entendue", dit Yacine Ait Kaci, porte-parole de la marche. "On a plus peur du réchauffement que de manifester".

Le parcours a cependant été modifié, pour l'éloigner des Champs-Élysées. Et forcément les perspectives sont un peu troublées pour les organisateurs qui espéraient égaler l'affluence de Bruxelles le 2 décembre (65.000 participants).

Le WWF n'y sera pas, emboitant le pas au ministre de l'Intérieur Christophe Castaner et à Nicolas Hulot, favorables à un report.

Le "Collectif citoyen pour le climat" s'est retiré de l'organisation parisienne, appelant cependant à redescendre dans la rue en 2019.

- "Gilets jaunes" dans les rangs ? -

Car comment relancer l'action climatique, dans une France dont les émissions sont de nouveau à la hausse? Cette crise ne risque-t-elle pas de miner le fragile consensus politique en faveur de la fiscalité carbone?

"C'est fascinant, les choses se répètent depuis 20 ans", note Géraud Guibert, du think tank La Fabrique écologique.

Ce fut l'abandon de la taxe climat-énergie promise après le Grenelle de 2007, puis celle de l'écotaxe poids lourds en 2014. Aujourd'hui le gouvernement annule la hausse de la taxe sur les énergies fossiles et la convergence des taxes diesel-essence.

Pour Géraud Guibert, "il faut changer de méthode, une concertation avec les partenaires sociaux, les ONG… Qu'on en revienne à une logique de taxe incitative et non de rendement".

Opposer climat et "gilets jaunes" est "une folie", estime Laurence Tubiana, négociatrice de la COP21, dans le Monde: "On ne peut aller vers la transition énergétique sans qu'elle soit équitable".

La Fondation pour la nature et l'homme (FNH) a adressé des propositions à l’Élysée, notamment d'assises citoyennes dans les départements. Sa présidente Audrey Pulvar, qui marchera à Paris, se dit inquiète "quant à la prise en compte des enjeux écologiques par ce gouvernement".

Cyril Dion, le réalisateur de "Demain", relève la montée de "mouvements de désobéissance civile non violents qui veulent aller plus loin, y compris dans des opérations de blocage pour forcer les politiques et la population à s'interroger (...) Ce qui se passe avec les +gilets jaunes+ peut nous faire réfléchir".

Des "gilets jaunes" qu'il a invités à venir marcher samedi, indiquant qu'une délégation prendrait la parole à Paris.

Mais tout le monde n'est pas d'accord. "C'est un mouvement si hétéroclite qu'il est difficile de s'y raccrocher", dit Audrey Pulvar. "Car qui viendrait? Les sincères, ceux qui sont prêts à faire du lien social? Ou les casseurs? On ne sait pas, même si on comprend le désespoir réel qui s'exprime".

Ailleurs, des discussions étaient lancées, comme à Marseille ou Bayonne. A Rennes, ils sont les bienvenus à titre individuel. A Lyon, "certains ont déjà dit qu'ils marcheraient à nos côtés", souligne Maxime Forest, militant d'Alternatiba.

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