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Ethique: le spectre de Barroso revient hanter la Commission européenne

Déjà critiquée pour la promotion éclair du bras droit de son président Jean-Claude Juncker, la Commission européenne a vu ressurgir jeudi le cas de son ancien chef, Jose Manuel Barroso, aujourd'hui employé par Goldman Sachs et soupçonné de lobbying à Bruxelles.

Dans une recommandation adressée à l’exécutif européen, la médiatrice de l'Union européenne, Emily O'Reilly, demande que le comité d'éthique de la Commission --un organe indépendant-- réexamine "la question de l'activité professionnelle" de l'ancien Premiert ministre portugais.

Selon elle, son engagement "à ne pas faire de lobbying auprès de la Commission" est remis en cause par sa rencontre récente avec un commissaire, le Finlandais Jyrki Katainen.

"Je n'ai pas fait de lobbying auprès de l'UE et je n'en ferai pas", s'est immédiatement défendu dans un tweet M. Barroso, dont l'embauche en 2016 par la banque d'investissement Goldman Sachs après 10 ans à la tête de la Commission avait suscité une vive polémique.

"Nous prenons note" de cette recommandation et "répondrons avant la date limite" fixée au 6 juin, a pour sa part réagi le porte-parole de la Commission, Margaritis Schinas.

La demande de la médiatrice intervient dans un contexte houleux pour l'exécutif européen, déjà sur la sellette après la promotion controversée de l'Allemand Martin Selmayr, bras droit de M. Juncker, au poste stratégique de secrétaire général de cette institution.

La rencontre évoquée par Mme O'Reilly, le 25 octobre 2017, dans un hôtel de Bruxelles, "a été enregistrée comme réunion avec la banque Goldman Sachs" et donc "considérée comme une rencontre à des fins de lobbying", même si MM. Barroso et Katainen ont ensuite affirmé qu'il s'agissait d'"une entrevue privée", développe-t-elle.

Actuel vice-président de la Commission, M. Katainen avait d'abord expliqué dans une lettre à des ONG --qui avaient révélé l'affaire-- que cette rencontre, en tête-à-tête et sans prise de note, avait été consacrée à "des questions de défense et de commerce". Avant d'expliquer dans plusieurs médias qu'il s'agissait en fait d'une rencontre amicale.

Ex-Premier ministre en Finlande, M. Katainen a été brièvement été commissaire dans l'exécutif présidé par le Portugais en 2014.

-'Devoir d'intégrité'-

L'embauche en 2016 de M. Barroso par Goldman Sachs, après dix ans à la tête de la Commission (2004-2014), avait engendré de sérieuses préoccupations "dans l'opinion publique", rappelle Mme O'Reilly.

Mais l'intéressé avait alors assuré dans une lettre à M. Juncker qu'il n'avait "pas été engagé pour faire du lobbying" et qu'il n'en avait "pas l'intention".

Saisi, le comité d'éthique de la Commission, tout en désapprouvant son choix, avait finalement conclu qu'il n'avait pas violé les règles et que son engagement à "ne pas exercer de lobbying" dans l'UE répondait "au devoir d'intégrité et de discrétion imposés par le traité".

"Une grande partie de la négativité récemment ressentie autour de cette question aurait pu être évitée si la Commission avait, à l'époque, pris une décision formelle", a souligné jeudi la médiatrice européenne.

Interrogé fin février, M. Juncker avait affirmé que la rencontre entre MM. Barroso et Katainen était "en accord total avec les règles" avant de lancer un définitif: "Ce n'est rien !".

"Nous n'avons jamais dit que José Manuel Barroso ne pouvait pas rencontrer de commissaires", avait-il insisté, ajoutant que ce dernier avait été inscrit "sur la liste des lobbyistes".

Goldman Sachs est inscrite dans le registre de transparence de la Commission, mais le nom de M. Barroso n'est pas mentionné, a constaté un journaliste de l'AFP.

Dans le sillage de l’embauche controversée de M. Barroso, la Commission avait mis en place de nouvelles règles éthiques, tout juste entrées en vigueur.

La médiatrice a cependant demandé que celles-ci soient "encore renforcées", car elles n'empêcheraient pas "qu'une situation semblable (...) se reproduise".

Son enquête sur l'ancien Premier ministre portugais a été ouverte dès février 2017, bien avant sa rencontre avec M. Katainen, à la suite de plusieurs plaintes, dont une adressée par "un groupe d'anciens et d'actuels membres du personnel de l'UE".

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