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La distribution tente de prendre la vague du "mieux consommer"

Coup marketing ou orientation stratégique durable? Deux grandes enseignes de la distribution viennent de lancer des opérations d'envergure en faveur du "mieux consommer" pour capter des ventes qui menacent de leur échapper.

"C'est un mélange des deux", estime Grégory Bressolles, professeur de marketing à la Kedge Business School, auprès de l'AFP, après les opérations lancées par Carrefour et Galeries Lafayette.

Avec "Act For Food", un programme de neuf engagements principalement pris sur les produits de sa marque propre, Carrefour assure engager "une stratégie de transformation de son modèle, au plan mondial", dans la lignée du plan lancé par son PDG Alexandre Bompard en janvier.

La tendance étant "à consommer moins mais mieux", il est "normal" pour ces enseignes "d'aller dans le sens du vent", explique M. Bressolles. "Les cordonniers n'ont jamais autant travaillé", abonde Pascale Hébel, du Centre de recherche pour l'étude et l'observation des conditions de vie (Credoc).

En outre, le mouvement est alimenté par "l'accélération des peurs chez le consommateur sur ce qu'il mange", explique t-elle.

Après l'explosion du bio, ce sont les produits "sans" (additif, conservateur, pesticide etc...) qui ont le vent en poupe: Carrefour est donc "pile dans les attentes" des consommateurs, ajoute t-elle.

Mais les enseignes réagissent aussi à des "ventes qui leur échappent" dues à une "fragmentation" des points de vente, explique Mme Hébel.

- Long terme ou effet d'annonce -

En se positionnant sur le "bien manger", levier possible pour sa croissance future, Carrefour prend "une bonne décision", estime M. Bressolles, mais il faudra voir "si c'est suivi dans les faits sur le long terme ou juste un effet d'annonce".

Aux Galeries Lafayette, l'opération "Go for Good", qui rassemble 500 marques dans le domaine de la maison, de l'alimentation et la mode, a démarré fin août.

S'appuyant sur 35 critères - mais un seul est nécessaire pour adhérer à la démarche -, l'enseigne propose sous ce label des produits participant "au respect de l'environnement, au développement social et/ou à la production locale".

"Si on avait fait ce projet il y a deux ans, on aurait eu moins de marques intéressées" alors qu'aujourd'hui "c'est une tendance de fond dans l'industrie de la mode", explique Frédérique Chemaly, DRH et directrice RSE du groupe fondé en 1894.

"On peut consommer responsable sans pour autant devoir s'habiller d'un poncho péruvien", souligne-t-elle auprès de l'AFP, consciente néanmoins des "limites" de la démarche.

Une opération que le professeur Bressolles compare "plus à un coup de communication", même si le directeur général des Galeries Lafayette et du BHV Marais, Nicolas Houzé, affirme en faire "un mouvement pérenne", en l'étendant aux magasins implantés à l'international en 2019.

- "le prix dicte (encore) le choix" -

"Ce qui marche bien aujourd'hui, c'est la +fast fashion+ à bas prix", rappelle M. Bressolles.

Aussi, pour se différencier, "quand on n'a pas ce type de produits, on dit que les nôtres sont plus équitables, respectent l'environnement", explique t-il.

Or, c'est quand même encore "le prix qui dicte le choix", souligne t-il.

Ainsi, ce mouvement du "mieux consommer" est encore le fait des classes moyennes éduquées "qui ont les moyens et une conscience politique", et des jeunes qui "baignent" dedans depuis leur naissance, souligne Mme Hébel. Quant aux populations défavorisées, elles entament à présent ce processus mais de manière plus lente et plutôt pour des raisons économiques.

Au-delà de ces opérations, les enseignes iront-elles jusqu'à la rupture en ne proposant que de bons produits mais plus chers ou en bannissant certains autres ?

"Le client est roi: s'il venait à rejeter une marque, on en tiendra compte", affirme Nicolas Houzé. "Les clients attendent des preuves de notre part et on va les matérialiser", promet Laurent Vallée, secrétaire général de Carrefour.

Une prudence, selon M. Bressolles, qui s'explique par le fait que si ces enseignes "arrêtent (ce type de produits, NDLR), d'autres continueront à les vendre", or "il faut assurer son chiffre d'affaires".

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