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La fin de l'impunité pour les voleurs de bétail en Nouvelle-Zélande

Ce ne sont pas des bêtes vivantes que les voleurs de bétail étaient venus chercher cette nuit-là sur les terres de Daniel Wheeler. Ils ont abattu les brebis sur place, prélevé les morceaux de viande qu'ils voulaient et laissé dans cette ferme néo-zélandaise une triste spectacle de sang et de tripes.

Pour beaucoup, l'expression même de "vol de bétail" n'évoque rien d'autre que le Far West américain et ses hors-la-loi d'un autre temps. Ce fléau est cependant une réalité telle en Nouvelle-Zélande que le pays a finalement durci sa législation, après des années de lobbying des éleveurs.

Le profil des voleurs est très divers, entre les particuliers qui enlèvent une ou deux bêtes pour remplir leur congélateur et les bandes organisées qui emportent tout un troupeau, quand elles ne transforment pas le champ en abattoir à ciel ouvert, décrit le groupe des Agriculteurs fédérés de Nouvelle-Zélande.

Daniel Wheeler élève des moutons depuis des décennies dans la campagne d'Ashburton, au sud de Christchurch. Et il ne s'est pas remis du spectacle de ses animaux massacrés en septembre 2017.

- "Très traumatisant" -

"Il y avait des bêtes qui étaient sur le point de mettre bas et dont les foetus avaient été retirés et abandonnés dans l'herbe. Avec les entrailles des cinq brebis qu'ils avaient abattues, c'est tout ce qu'il restait", se souvient-il. "Pour être honnête, j'étais choqué. Et furieux."

M. Wheeler, qui gagne aussi sa vie grâce à une activité de détection de gestation par échographie, peut témoigner que les vols sont "remarquablement fréquents" : "Je visite 200 élevages par an et j'en entends tout le temps parler."

Certains voleurs sont bien équipés, avec des lunettes de vision nocturne, des appareils thermographiques pour repérer les bêtes dans la nuit, explique Miles Anderson, des Agriculteurs fédérés.

Parfois, ce sont des centaines de bêtes emportées et revendues à des éleveurs peu scrupuleux ou à des abattoirs. Si la logistique est trop lourde, on abat et équarrit sur place.

"Le matin, l'éleveur découvre les boyaux et la peau du mouton dans l'enclos", raconte-t-il. "C'est très traumatisant pour les éleveurs et leurs familles, que ce soit ces actes de cruauté contre leurs animaux ou le fait de savoir que des voleurs armés sont venus en pleine nuit."

"Cela se passe souvent dans des endroits très isolés. Et cela alimente un sentiment d'insécurité."

- 27 millions d'ovins -

Les Agriculteurs fédérés affirment qu'un quart de leurs membres ont été victimes de vol de bétail, pour un préjudice annuel total de l'ordre de 120 millions de dollars néo-zélandais (70 millions d'euros).

L'agriculture est la ressource première du pays qui a exporté en 2018 30 milliards de NZD de produits agricoles.

Avec 4,8 millions d'habitants, l'archipel est un désert: tout juste 18 habitants au km2, contre 118 en France métropolitaine. Mais la verdoyante Nouvelle-Zélande compte pas moins de 27 millions d'ovins et dix millions de bovins.

Les vaches élevées pour la viande peuvent être vendues 1.300 NZD (750 euros) et les moutons 180 NZD. On ignore les prix payés au marché noir. Mais, à en croire Harry Stanway, éleveur dans la région de Canterbury, sur l'île du Sud, ils sont suffisamment élevés pour encourager les vols.

"C'est poignant. C'est comme si quelqu'un venait chez vous et prenait tout ce qui vous appartient", dit-il.

Avant que la loi ne change, la police ne pouvait poursuivre les voleurs de bétail que pour atteinte à la propriété, une infraction mineure. Il ne s'agissait d'un délit que si la bête avait été tuée.

Ceux qui tuèrent les brebis de M. Wheeler ne furent jamais retrouvés et, à l'en croire, beaucoup d'éleveurs ne prenaient même pas la peine de signaler les vols à la police.

- "Dans le temps, la pendaison" -

"Pöur la police, ce n'était pas un problème car personne ne portait plainte. Or personne ne portait plainte car la police ne faisait rien", dit-il.

Le changement législatif implique que le vol de bétail est désormais passible de sept années de prison, et que le fait de pénétrer illégalement sur des terres agricoles avec l'intention de voler du bétail ou des machines agricoles est passible de 10 ans.

"Cela donne à la police et aux tribunaux les moyens de punir les voleurs de bétail", a estimé le ministre néo-zélandais de la Justice Andrew Little.

M. Anderson veut croire que le problème sera désormais pris à bras le corps.

"Dans le temps, c'était la pendaison pour les voleurs de bétail", rappelle-t-il. "Bien sûr, on ne pousse pas dans ce sens."

"Mais comme un paysan me disait récemment: +si quelqu'un s'enfuit d'une bijouterie de la ville avec 70.000 dollars de butin, la police réagira vite+", dit-il. "Et c'est le genre de préjudice dont on parle nous aussi."

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