Accueil Actu

La gloutonnerie des sangliers inquiète les agriculteurs d'Alsace

Eugène Schnebelen, viticulteur à Thann (Haut-Rhin) en est tout retourné: à quelques jours de vendanger son Gewürtztraminer, une harde de sangliers a dévasté son vignoble du Rangen, un phénomène qui inquiète l'ensemble du monde agricole.

"Ils devaient être une bonne dizaine sortis de la forêt toute proche pour se nourrir dans ma vigne et y faire autant de dégâts", explique-t-il à l'AFP, soulignant que la moitié des 24 hectares du vignoble ont été ravagés.

"Je vais vendanger 20 kilos au lieu de 700 et je vais en être pour mes frais même si le fond d'indemnisation des dommages liés aux sangliers va être activé", soupire le récoltant.

En 2009, dans le Bas-Rhin, ce fonds, alimenté par les cotisations des chasseurs, a payé 1,18 million euros pour des dégâts aux vignes et aux cultures maraîchères, mais surtout aux producteurs de maïs. Une partie du fonds va aussi aux automobilistes surpris par l'ongulé, indique son président Robert Weinum.

L'Alsace est après l'Ile-de-France la plus grande région pour sa population de sangliers et pour le nombre d'accidents qu'ils occasionnent malgré 350 kilomètres de clôture électrique installées. Dans le Bas-Rhin, 17.000 sangliers ont été tirés contre 14.000 dans l'autre département alsacien.

Ils sont estimés à un million de têtes en France et les chasseurs qui régulent la faune sauvage en ont tué quelque 570.000 en 2008-2009, soit 8,9% de plus que la saison de chasse précédente, selon l'Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONFCS).

"Nous sommes dans un cycle d'abondance, explique M. Weinum, avec des hivers doux, de bonnes glandées, des laies qui ont des portées jusqu'à dix marcassins et une faible mortalité". Il s'agit d'un phénomène général en France, comme dans une grande partie de l'Europe où l'animal se multiplie rapidement et n'hésite plus à s'aventurer dans les faubourgs des villes.

Selon lui, "il faut tout le temps répandre des graines dans la forêt pour éviter qu'ils ne ravagent les céréales, on est passé de la chasse passion à la chasse contrainte".

Egalement président d'une société de chasse, il confirme que "la friandise préférée des sangliers est le maïs, malgré le fait que l'on agraine largement la forêt pour les repaître et les dissuader d'en sortir".

Et l'Alsace est une véritable aubaine pour cet animal glouton, puisque sur 800.000 hectares, elle compte 150.000 hectares de maïs.

"On ne crie pas à la catastrophe, on a ce qu'on mérite", estime Pascal Perrotey-Dorridant, directeur du fonds d'indemnisation. "On a +fait du sanglier+ quand le petit gibier a disparu dans la plaine d'Alsace envahie par le maïs. On a joué aux apprentis-sorciers et aujourd'hui la population explose et nous échappe", explique-t-il.

Il y a 7.500 permis de chasse dans le Bas-Rhin, dont seulement 300 nouveaux par an, regrette-t-il.

"Les membres des sociétés de chasse en forêt peuvent payer jusqu'à 20.000 euros, et ceux qui viennent de l'extérieur en veulent pour leur argent", souligne M. Weinum. "Alors, on agraine en lisère de forêt pour leur offrir du gibier et le mieux que l'on ait trouvé, c'est le sanglier, même si le cerf, c'est plus beau mais il y a un quota", admet-il.

Pour tenter de convaincre des jeunes agriculteurs de rejoindre leurs aînés chasseurs, l'Alsace s'est récemment dotée d'un "cyné'tir", comme il en existe en Allemagne. Pour passer son permis ou avant une chasse, on s'y entraîne à tirer au laser ou avec des cartouches dans une grande salle perdue au milieu des champs, où défile sur écran géant un film avec des sangliers dans une ambiance hivernale ou printanière.

À la une

Sélectionné pour vous