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La Grèce confrontée à un assaut des cueilleurs albanais à la frontière

Réputée pour sa richesse, la flore médicinale et aromatique grecque est devenue l'enjeu d'une bataille quotidienne à la frontière gréco-albanaise, où les autorités grecques peinent à repousser des razzias lancées depuis le pays voisin.

"Des groupes organisés ont monté des campements dans la montagne" pour se livrer à ce trafic, affirme Yannis Spirou, qui garde un refuge perché à 1.400 mètres sur le massif du Grammos, à la frontière des deux pays.

"Ils ramassent de grandes quantités de plantes et les rapportent en Albanie à dos de mulets", décrit-il à l'AFP.

Au centre des convoitises, la primevère officinale, créditée de propriétés analgésiques, anti-spasmodiques, diurétiques, et expectorantes.

Selon les habitants de la région, cette plante ne pousse pas de l'autre côté de la frontière, même si elle est présente ailleurs qu'en Grèce.

Ses fleurs séchées, et ses racines, valent leur pesant d'euros: 20 euros pour 120 gr sur eBay, ou 34 euros pour un bouquet de 25 plants sur Amazon.

- Traques policières -

Les attaques contre le patrimoine naturel grec ne datent pas d'hier, des grandes chasses sauvages à l'escargot crétois ayant notamment défrayé la chronique à la fin des années 90.

Mais dans la région de Grammos, largement dépeuplée, "c'est la première année que nous faisons face à un phénomène d'une telle ampleur" relève le chef du service forestier local, Nikos Papaefthymiou.

L'aubépine, notamment utilisée comme hypotenseur, antispasmodique et sédatif et la roborative gentiane jaune, sont aussi très prisées des indésirables cueilleurs.

"Nous avons donné des instructions à tous les services concernés pour faire face", relève M. Papaefthymiou.

"Nous patrouillons sur une base quotidienne à l'époque de la floraison, mais il est difficile d'opérer des arrestations. Dès que les pillards nous voient, ils repassent la frontière", raconte, sans vouloir être identifié, un officiel de police local.

En mai, les Grecs ont toutefois réussi à arrêter 16 ressortissants albanais et à saisir plus de 600 kilos de primevères, ainsi que les mules qui les transportaient.

- Un 'crime environnemental' -

L'infraction restant mineure, les coupables ont généralement été rapidement expulsés en Albanie, prêts à revenir dès que l'occasion se présente.

"Ils nous disent qu'avec cette activité, ils gagnent en un mois l'équivalent d'un an de salaire en Albanie", indique le policier.

Le trafic serait bien organisé: "la plante est vendue pour 10 ou 20 euros le kilo à des grossistes en Albanie, puis exportée vers l'Allemagne ou les États-Unis".

Selon Rigas Tsiakiris, ingénieur forestier au ministère de l'Agriculture, le problème dépasse de loin celui d'une bisbille frontalière de propriété: "la cueillette de telles quantités de plantes, et la manière dont elle est faite, endommage sérieusement l'écosystème".

"Très souvent les plantes sont carrément déracinées d'un coup, c'est un crime environnemental", s'indigne-t-il. Au point que la Grèce a signalé le problème à Interpol, réclamant un sursaut albanais.

Avec la crise économique, des Grecs aussi avaient été tentés d'arrondir leurs fins de mois par ces cueillettes sauvages, mais selon les autorités locales, le mouvement a pu être stoppé. Dans chaque région, des limites sont fixées aux quantités qui peuvent être récoltées.

Les voleurs de plantes n'hésitent pas non plus à lorgner sur les cultures, selon les habitants de la région.

"Un jour, je me suis fait voler plus de 300 kgs de thé", témoigne Spyros Babakos, qui cultive près de la frontière du thé grec des montagnes. "Les plantes avaient été déracinées sur plus de 2.000 mètres carrés" déplore-t-il.

Un autre trafic de plantes, mais cette fois dans l'autre sens, continue par ailleurs d'occuper les autorités dans la région, par où transite une partie de la robuste production albanaise de cannabis.

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