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La justice allemande tranchera mardi sur le sort des vieux diesel, en sursis en ville

La justice allemande décidera mardi du sort des véhicules diesel les plus anciens, menacés d'interdictions en centre-ville pour purifier l'air, une perspective cauchemardesque pour les industriels et les pouvoirs politiques.

La Cour administrative fédérale, dont un arrêt de principe était initialement attendu ce jeudi, entend "débattre en profondeur" de cette question cruciale, a annoncé son président après l'audience tenue à Leipzig (est).

Concrètement, les hauts magistrats doivent décider si les autorités ont l'obligation, pour protéger l'air, d'interdire dans certaines zones les véhicules diesel les plus polluants, majoritairement responsables des émissions d'oxydes d'azote qui favorisent les maladies respiratoires et cardiovasculaires.

Sont concernés quelque 9,4 millions de véhicules diesel répondant à des normes anciennes, Euro 5 et Euro 4, immatriculés en Allemagne.

Pour la puissante industrie automobile allemande, une telle mesure serait désastreuse. La seule perspective de telles interdictions a déjà accéléré la chute des ventes de voitures diesel dans le pays qui a inventé cette technologie. Leur part de marché est passée de 48% en 2015 à 39% environ en 2017.

Selon un sondage Civey pour le quotidien Handelsblatt, les Allemands sont 47% à s'y refuser dans tous les cas, alors qu'environ 25% sont favorables à des restrictions limitées aux pics de pollution, et 20% à des interdictions générales en ville.

- Dans le viseur de Bruxelles -

Signe de la forte attente autour de cet arrêt, le quotidien Bild publiait jeudi en une de son site la photo du président de la Cour fédérale barrée de ce titre: "Ce juge va-t-il mettre à l'arrêt les automobilistes allemands ?"

Mais pour les défenseurs de l'environnement, il s'agit tout simplement "de respirer de l'air pur d'ici la fin de l'année", estime Jürgen Resch, qui dirige l'organisation environnementale Deutsche Umwelthilfe (DUH).

Selon l'Office fédéral de l'environnement, quelque 70 villes allemandes présentaient encore des taux de dioxyde d'azote supérieur au seuil annuel moyen de 40 microgrammes/m3 en 2017. Munich, Stuttgart et Cologne sont les plus mauvaises élèves.

La Commission européenne menace de son côté Berlin de poursuites pour son inaction, sur le modèle de celles qui ont conduit à la condamnation jeudi de la Pologne par la Cour de justice de l'UE.

La DUH avait saisi les tribunaux pour forcer des dizaines de communes allemandes, dont Stuttgart (sud) et Düsseldorf (ouest), à durcir leur réponse à la pollution de l'air.

Enjoints en première instance d'envisager des interdictions de circulation des véhicules les plus polluants dans leurs capitales respectives, les Etats régionaux du Bade-Wurtemberg (sud-ouest) et de Rhénanie-du-Nord-Westphalie (ouest) se sont tournés vers la Cour fédérale administrative, qui doit désormais arbitrer.

Si elle confirme les jugements de Stuttgart et Düsseldorf, les Etats régionaux concernés devront mettre en place des interdictions sur mesure.

- Lourde facture -

Et la Cour enverra aussi un signal clair, à même de faire pression sur Berlin et les industriels pour qu'ils passent à la vitesse supérieure dans la lutte contre la pollution.

Le gouvernement sortant a jusqu'à présent mis sur pied un fonds d'un milliard d'euros pour aider les villes à développer leur réseau de transports publics ou encore leur flotte de véhicules électriques.

Les constructeurs Volkswagen, Daimler et BMW ont pour leur part entamé une mise à jour logicielle de millions de véhicules diesel pour en réduire les émissions polluantes, dans le sillage du scandale aux moteurs truqués de VW, et mis en place des primes à l'achat de véhicules plus propres.

Mais ils se refusent à modifier plus nettement leurs véhicules, par exemple en installant de nouveaux catalyseurs, arguant que de tels changements ne seraient "pas beaucoup plus efficaces" et prendraient "énormément de temps", affirmait mercredi le patron d'Audi (groupe Volkswagen), Rupert Stadler, au quotidien Handelsblatt.

Un avis pourtant mis en doute par de nombreux experts. Jusqu'au lobby automobile allemand ADAC lui même, qui a publié mardi une étude en faveur d'une modernisation approfondie des moteurs.

Mais la mesure prendrait des années, et s'annonce coûteuse: au moins 7,6 milliards d'euros selon l'analyste Arndt Ellington de la banque Evercore ISI, cité par le journal.

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