Accueil Actu

La Nouvelle-Zélande interdit les fusils d'assaut, les Etats-Unis en sont loin

Aux Etats-Unis, les partisans d'une régulation plus stricte sur les armes à feu regardent avec une admiration teintée d'amertume l'interdiction des fusils d'assaut en Nouvelle-Zélande, bien conscients qu'un tel scénario est très improbable dans leur pays.

Moins d'une semaine après le massacre de 50 fidèles dans deux mosquées de Christchurch, la Première ministre néo-zélandaise Jacinda Ardern a interdit les armes semi-automatiques, les chargeurs à grande capacité et tous les dispositifs qui permettent de tirer en rafales.

"Ca fait du bien de voir un gouvernement agir immédiatement", a commenté l'élu démocrate américain John Yarmuth, interrogé sur la chaîne CNN. Avant de constater que les Etats-Unis sont loin du compte: au cours des huit dernières années, "on n'a même pas pu adopter une mesure sur la vérification des antécédents des acheteurs malgré le soutien de 90% des Américains".

Les Etats-Unis, où un tiers des adultes déclarent posséder au moins une arme à feu, ne sont pourtant pas épargnés par leur violence. Le site "Gun violence archives" a recensé depuis le début de l'année 62 fusillades ayant fait au moins quatre victimes, et près de 3.000 morts par balles (hors suicide).

Certaines tueries ont particulièrement marqué les esprits, comme celle dans une école primaire de Sandy Hook en 2012 (26 morts dont 20 enfants), lors d'un concert à Las Vegas en 2017 (58 morts) ou une synagogue de Pittsburg (onze morts) en 2018.

A chaque fois, la classe politique a adressé "ses prières et ses pensées aux victimes", avant d'entrer dans une joute stérile entre progressistes et conservateurs qui n'a jamais produit de réforme significative.

Après la tuerie dans un lycée de Parkland (17 morts en février 2018), le gouvernement de Donald Trump a seulement interdit les "bump stocks" un dispositif permettant de tirer en rafale. Une mesure bien timide comparé à celles adoptées en Nouvelle-Zélande.

"Le rôle des armes dans notre société est très, très différent", a commenté John Yarmuth avec fatalisme. "Malheureusement, elles font partie de notre culture".

- "Culte" -

Cette "culture des armes" remonte aux milices formées par les premiers colons dans le nord-est, rappelle à l'AFP l'historien Jason Opal, de l'université canadienne McGill. "En 1775, les soldats britanniques avaient essayé de désarmer ces milices" et donné du même coup le coup d'envoi de la guerre d'indépendance, poursuit-il.

En 1791, les pères fondateurs ont donc inscrit dans le deuxième amendement de la Constitution le "droit" du peuple à "porter des armes".

Mais "le culte de l'arme individuelle" est apparu plus tard, lors de la conquête de l'ouest et dans les états esclavagistes du sud, assure l'historien. Selon lui, la peur constante des Noirs et des Indiens "a créé une obsession pour la sécurité".

Ce culte s'est ancré plus profondément dans la société américaine à partir des années 1970 en raison du virage "à droite toute" du lobby des armes, la National Riffle Association (NRA), qui n'était jusque là qu'"un groupe de chasseurs plutôt apolitique", dit encore Jason Opal.

Jeudi, la porte-parole de la NRA, Dana Loesch, s'est d'ailleurs empressée de souligner que "les Etats-Unis n'étaient pas la Nouvelle-Zélande", évoquant un "droit inaliénable aux armes et à l'autodéfense" pour les Américains.

Dotée de moyens considérables, la NRA décerne des notes aux candidats à toutes les élections, subventionne ceux qui soutiennent sa cause et exerce une emprise importante sur les élus, notamment républicains.

"Question: comment la Nouvelle-Zélande a-t-elle interdit les fusils d'assaut cinq jours après une fusillade de masse? Réponse: leurs politiciens ne sont pas achetés par le lobby des armes", a d'ailleurs tweeté, amer, le représentant démocrate David Cicilline.

Malgré tout, certains partisans d'un meilleur contrôle des armes gardent espoir. "Je ne crois pas que les Etats-Unis soient paralysés", a déclaré à l'AFP Kris Brown, présidente de la Campagne Brady.

"Il y a trop de sénateurs qui jugent important de bloquer les réformes", concède-t-elle. "Mais l'emprise de la NRA sur les parlementaires est en train de faiblir", assure-t-elle en citant des candidats défaits aux élections de mi-mandat de 2018 malgré le soutien du puissant lobby.

"Inspirée" par l'exemple néo-zélandais, elle assure que les élus entendent les Américains se demander "pourquoi ne fait-on pas la même chose?"

À lire aussi

Sélectionné pour vous