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La relance des rachats de dette sème la zizanie à la BCE

"Disproportionnée", "dépassant les bornes", la relance du vaste programme de rachats de dette de la Banque centrale européenne a déclenché vendredi une fronde ouverte au sein de l'institut monétaire, mettant en jeu sa crédibilité.

Elle fragilise la BCE au moment même où son président Mario Draghi s'apprête à passer la main fin octobre à la directrice du Fonds monétaire international, Christine Lagarde, après huit ans d'un mandat tumultueux.

La première attaque est venue dans l'après-midi du gouverneur de la banque centrale néerlandaise, Klaas Knot, s'en prenant avec une rare virulence à la "large panoplie de mesures" adoptées jeudi pour stimuler l'économie.

Cet arsenal, dont l'ambition a surpris les observateurs, intègre à la fois une reprise des rachats d'actifs, une baisse de taux, un système de taux dégressifs et des prêts géants accordés aux banques.

Applaudi par les marchés financiers, il est pourtant "disproportionné par rapport à la situation économique actuelle et il existe de bonnes raisons de douter de son efficacité", fustige M. Knot dans un communiqué.

Il déplore "en particulier" le "redémarrage" des rachats d'obligations publiques et privées de la BCE, qui avaient permis de déverser 2.600 milliards d'euros sur les marchés entre mars 2015 et fin 2018 pour stimuler le crédit.

- 'Draghila' -

Controversé dès l'origine, ce programme baptisé "QE", pour "Quantitative Easing", est l'une des armes forgées par le président de la BCE Mario Draghi, constatant que le pilotage classique des taux d'intérêt échouait à relancer l'économie et l'inflation.

Moins d'une heure après, le président de la banque centrale allemande Jens Weidmann attaquait à son tour dans le quotidien Bild, jugeant que la BCE avait "dépassé les bornes" en relançant le QE.

"Avec la décision d'acheter encore plus d'emprunts d'Etat, il sera encore plus difficile pour la BCE de sortir de cette politique. Plus elle dure et plus les effets secondaires et les risques (...) pour la stabilité financière augmentent", a critiqué M. Weidmann, un temps pressenti pour succéder à Mario Draghi.

S'il s'abstient de citer des noms, cette sortie vise clairement Mario Draghi, dont la voix est prépondérante au sein du conseil des gouverneurs de la BCE, et qui a défendu les décisions jeudi face à la presse en brossant de l'économie un tableau inquiétant.

Plus largement, Jens Weidmann estime qu'un tel programme "brouille la ligne de démarcation entre politique monétaire et politique budgétaire", puisqu'elle permet aux Etats les plus endettés de se refinancer à bon compte auprès de la BCE, une situation déplorée en Allemagne depuis des années.

Enfin, il souligne que le niveau historiquement bas des taux d'intérêt pénalise les épargnants. "Le comte Draghila siphonne nos comptes en banque", grinçait d'ailleurs Bild vendredi matin, photomontage à l'appui.

- Rehn en pompier -

Au total, "une dizaine" des 25 membres du conseil des gouverneurs de la BCE ont plaidé jeudi contre la relance du QE, qui a clivé comme rarement les gardiens de l'euro, selon une source proche de l'Eurosystème interrogée par l'AFP.

Les récalcitrants intègrent même des soutiens traditionnels de Mario Draghi comme le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau, et le "chouchou des marchés" Benoît Coeuré, d'après cette même source.

De source proche de la Banque centrale européenne, on affirme toutefois que ce chiffrage devrait être "divisé par deux", alors que M. Draghi s'était borné à évoquer jeudi "une diversité de points de vue" sur ce sujet.

Finalement, avait assuré le banquier central italien, le consensus sur les mesures décidées "était si large qu'il n'y avait pas besoin de voter", formule qui gardait un voile pudique sur l'ampleur des divisions.

Premier à organiser la riposte, le gouverneur de la Banque de Finlande Olli Rehn a lancé vendredi un appel à la retenue sur Bloomberg TV, jugeant "toujours préférable d'éviter les divisions excessives, particulièrement en public".

Le paquet adopté jeudi "n'était pas une erreur", a-t-il plaidé, "c'est le meilleur effort que nous puissions faire pour réagir au ralentissement économique".

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