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La reprise de la dette de la SNCF, une question délicate pour le gouvernement

En dévoilant son projet de réforme de la SNCF, le gouvernement a confirmé lundi vouloir reprendre à son compte une partie de la dette du groupe ferroviaire. Un objectif compliqué, au vu des contraintes qui pèsent sur les finances publiques.

Quarante sept milliards d'euros: voilà le montant de la dette accumulé au fil des décennies par le gestionnaire des infrastructures ferroviaires françaises, rebaptisé SNCF Réseau en 2015. Une somme à laquelle il convient d'ajouter huit milliards d'endettement de SNCF Mobilités, entité du groupe public chargée de la circulation des trains.

Ce passif financier, d'un niveau colossal, "menace d'engloutir le système", a reconnu lundi le Premier ministre Edouard Philippe, en assurant lors de la présentation de son projet de réforme que l'Etat prendrait "sa part de responsabilité" pour "assurer la viabilité économique" de l'entreprise.

"D'ici la fin du quinquennat, nous pourrons envisager la reprise de la dette de la SNCF", a confirmé mardi -- de façon plus explicite -- le ministre de l'Economie et des Finances Bruno Le Maire, interrogé sur France 2.

Le locataire de Bercy a toutefois conditionné ce geste à la mise en oeuvre de la réforme voulue par le gouvernement. "La priorité, c'est de transformer la SNCF. La reprise de la dette par l'Etat, ça doit être un point d'aboutissement, pas le point de départ de la transformation", a-t-il souligné.

- "baguette magique" -

La dette de la SNCF sera-t-elle reprise intégralement ou partiellement par l'Etat? Dans le cas d'une reprise partielle, quel sera le montant pris en charge? Interrogé sur ce point, Bruno Le Maire a botté en touche, insistant sur la nécessité de remettre l'entreprise sur les rails avant d'aborder cette question.

L'endettement de la SNCF, qui a grimpé de 15 milliards d'euros entre 2010 et 2016, continue en effet de se creuser de près de trois milliards d'euros année après année. Sur ces trois milliards, un milliard est dû à la "charge de la dette", c'est-à-dire au paiement des intérêts de la dette d'ores et déjà accumulée.

"Le problème n'est pas le stock de dette" mais "les trois milliards" d'euros de déficit annuel, a jugé sur RTL le ministre des Comptes publics Gérald Darmanin. "Quand bien même nous effacerions la dette d'un coup de baguette magique, nous recréerons dans 10 ans, dans 20 ans le même stock de dette si nous ne changeons pas profondément la société", a-t-il ajouté.

En 2008, la Cour des comptes avait recommandé que l'Etat prenne à son compte 12 milliards d'euros de dette sur la trentaine accumulés à l'époque par le gestionnaire des voies ferrées. Dans son rapport rendu mi-février, Jean-Cyril Spinetta a insisté quant à lui sur la nécessité d'un "transfert" de dette, sans proposer de montant.

- "combines" -

Pour le gouvernement, la question est délicate. "L'état des finances publiques n'est pas brillant. Du coup, ça laisse peu de marges de manoeuvre", estime François Ecalle, spécialiste des finances publiques et ancien magistrat de la Cour des comptes, à l'origine du rapport sur la SNCF de 2008.

La somme en jeu est effet faramineuse, même rapportée au budget de l'Etat. "Sur les 47 milliards d'euros de dette de SNCF Réseau, une partie est déjà intégrée à la dette publique. Mais même en enlevant cette part, il reste près de 40 milliards, soit l'équivalent de deux points de PIB", souligne M. Ecalle.

Une facture peu compatible avec les objectifs du gouvernement, qui a fait de la lutte contre la dette publique -- actuellement proche de 100% du produit intérieur brut (PIB) -- l'une de ses priorités.

"Le jour où la dette de la SNCF sera formellement reprise, cela fera bondir le déficit public, ce qui posera forcément des problèmes", concède Alexandre Delaigue, professeur d'économie à l'université de Lille.

"Quelle que soit la part de dette reprise, l'opération sera compliquée à mettre en oeuvre", juge de son côté François Ecalle.

"Cela explique l'attitude du gouvernement, qui est resté jusqu'à présent très évasif sur ses intentions", ajoute l'ancien magistrat financier, pour qui Bercy aura "sans doute recours à des combines" -- comme "étaler la reprise de la dette sur plusieurs années" -- pour éviter un dérapage du déficit.

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