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La Russie brise le tabou de l'âge de la retraites, héritage soviétique

Au moment où la Russie s'apprêtait à lancer un mois de fête du football, le gouvernement russe a brisé jeudi un tabou soigneusement évité jusqu'alors par Vladimir Poutine en proposant un relèvement progressif de l'âge de la retraite, inchangé depuis près de 90 ans.

Fixé en 1932 et jamais touché depuis, l'âge de départ à la retraite en Russie - un acquis social de l'époque soviétique - est parmi les plus bas du monde: 55 ans pour les femmes et 60 ans pour les hommes.

Jusqu'à 30% des Russes peuvent même partir plus tôt que l'âge officiel grâce aux régimes spéciaux dont bénéficient de nombreuses catégories. Mais dans la réalité, de nombreux Russes continuent de travailler bien longtemps après être devenus officiellement "retraités", les très maigres pensions servant de complément de revenus.

Après d'hésitations et d'avertissements sur le poids croissant d'un système souvent jugé intenable, le gouvernement est passé à l'action en annonçant une vaste réforme jeudi, jetant un froid à quelques heures du coup d'envoi du Mondial-2018 de foot.

Il propose "de commencer en 2019 pour atteindre étape par étape l'âge de la retraite de 65 ans pour les hommes en 2028 et 63 ans pour les femmes en 2034", a déclaré le Premier ministre Dmitri Medvedev lors d'un conseil des ministres.

Cette réforme, qui doit être soumise prochainement à la Douma, "nous permettra de disposer de moyens supplémentaires pour augmenter les pensions" qui se limitent à quelques centaines d'euros, voire quelques dizaines, a-t-il ajouté.

Elle s'accompagne d'une autre mesure potentiellement douloureuse pour le pouvoir d'achat: une hausse du taux de TVA de 18% à 20%, exception faite de la nourriture, des produits pour enfants et du matériel médical.

A peine un mois après avoir son investiture, Vladimir Poutine entame donc son quatrième mandat sur des mesures potentiellement impopulaires, lui qui assurait en 2005: "Tant que je serai président", il n'y aura pas d'âge de relèvement de l'âge de la retraite.

"Je suis catégoriquement contre, bien sûr", a déclaré à l'AFP Vadim Lavrouchine, un employé de banque de 29 ans. "Compte tenu de la situation actuelle dans le pays, les gens ne peuvent tout simplement pas vivre jusqu'à cet âge".

Selon un sondage réalisé fin mai par l'institut FOM, 82% des Russes sont contre l'augmentation de l'âge de la retraite.

- "Déséquilibre" -

"C'est une mesure impopulaire. Sa nécessité et la détermination du gouvernement de l'appliquer étaient évidentes, mais la situation politique ne le permettait pas", a expliqué à l'AFP le politique Nikolaï Petrov, de la Haute Ecole d'Economie de Moscou.

"Maintenant que les élections sont passées, il existe une courte période pendant laquelle le pouvoir n'a pas peur de la réaction négative des citoyens", a-t-il ajouté.

La situation devenait de plus en plus explosive vu la situation démographique de la Russie qui manque de jeunes travailleurs en raison de la crise démographique des années 1990, tandis que les récents progrès en termes d'espérance de vie gonflent les rangs des retraités.

"Chaque année, le déséquilibre ne va qu'augmenter", a plaidé Dmitri Medvedev pour expliquer une décision "difficile".

Selon les dernières données de la Banque mondiale (2016), l'espérance de vie des Russes est de 66,5 ans pour les hommes et d'un peu moins de 70 ans pour les femmes. Elle est en progression constante depuis le début des années 2000, après avoir chuté dans les années suivant la chute de l'URSS en 1991.

Saluant une réforme "nécessaire depuis longtemps", l'ex-ministre des Finances Alexeï Koudrine, influent dans les milieux libéraux, a assuré que cette mesure serait "avantageuse pour les citoyens, car elle fera augmenter les pensions".

Le président Vladimir Poutine a promis pour son quatrième mandat, courant jusqu'en 2024, de redresser l'espérance de vie et la démographie déclinante du pays, de réduire par deux la pauvreté.

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