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Le logement des saisonniers, un casse-tête aussi pour les employeurs

"Moi, j’ai de la chance, mon employeur me fournit mon logement": Mathurin, la vingtaine, qui a décroché un job d'été comme cuisinier dans l'auberge de jeunesse de Cancale (Ille-et-Vilaine), a pu trouver un hébergement, un casse-tête en période estivale pour les saisonniers.

Ce "globe-trotter cuisinier" est l’un des sept saisonniers qui travaillent dans cette auberge qui a réussi à recruter et loger toute son équipe. Mais beaucoup d’établissements de tourisme en Bretagne ne peuvent pas en dire autant.

"Environ 120 offres d’emplois saisonniers n’ont pas été pourvues" sur la côte d’Émeraude dans le secteur de l’hôtellerie-restauration rapporte Marie-Claire Geslin, de l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie 35 (Umih). "Les conséquences sont dramatiques. Encore aujourd'hui, une crêperie à Saint-Malo a prévenu qu'elle fermerait certains jours faute de main d’œuvre", continue-t-elle.

Benoît Hamelin, directeur de l'auberge de jeunesse, avance une explication à ces difficultés. "Beaucoup d'offres d'emploi ne sont pas pourvues parce que ça coûte trop cher de venir travailler à Cancale". Aux saisonniers qui lui demandent s'il dispose de logements pour la saison, il n'a que des places de camping à offrir. "Mais quand on bosse en saison (...) c'est super inconfortable", se désole-t-il. Une solution qui n'est pas forcément économique non plus: "La nuit à 16 euros par personne n'est pas rentable pour les saisonniers", explique Olivier Frassati, le gérant du camping municipal de Cancale.

Un constat partagé par Oscar Legendre, président de l’Umih Côte d'Émeraude. "Si on ne peut pas loger, les personnes ne restent pas", dit-il, en dénonçant Airbnb qui "absorbe l'intégralité des logements sur la côte".

Selon le syndicat de l'hôtellerie-restauration, plus de 600 logements intramuros à Saint-Malo seraient répertoriés sur la plateforme de locations et de réservations entre particuliers.

- "Une offre d'emploi et un logement" -

Benoît Hamelin pointe un autre problème, celui des salaires. "Quand j'entends parler d'offres d’emploi non pourvues dans la restauration ou dans l'hôtellerie, je me dis que s'ils payaient correctement, ils trouveraient du monde". Lui-même a dû organiser un logement pour l'une de ses employées. "On a finalement trouvé un petit studio à 380 euros par mois. Ce n'est pas excessif mais quand vous êtes payés au SMIC, ça fait une petite somme".

Avec un taux horaire moyen de neuf euros net de l'heure en 2015 selon l'Insee, le salaire des saisonniers est en-deçà de la moyenne nationale. Raison qui a poussé Oscar Legendre à s'associer aux acteurs locaux pour "présenter une offre d'emploi et un logement aux saisonniers". Cette initiative est le fruit d'une collaboration entre les hôteliers-restaurateurs, la ville de Cancale, les offices HLM de la Rance et une association d'aide au logement des jeunes du pays de Saint-Malo, "Ty al Levenez".

L'Umih loue un appartement HLM de 4 chambres à moins de deux kilomètres du port où se situent les restaurants. Son occupation est gérée par l'association. "A l'heure actuelle, toutes les chambres sont occupées", se réjouit Yuna Le Dissez, de "Ty al Levenez". Les 256 euros de loyer sont éligibles aux aides au logement et les locataires n'ont pas à verser de caution. Ils n'ont besoin que de leurs sacs à dos et de leurs brosses à dents", se félicite-t-elle.

Pour autant, Oscar Legendre rappelle que les employeurs n'ont pas pour vocation de s'occuper du logement de leurs employés: "C'est une contrainte supplémentaire pour le salarié, car s'il perd son emploi, il perd également son logement".

Tous espèrent le développement de ces initiatives avec l'application du volet de la loi ELAN. Celle-ci prévoit de renforcer l'accès au logement des travailleurs saisonniers dans les communes touristiques. Chacune d'elles doit établir les besoins en logement saisonnier sur son territoire et conclure avec l’État une convention pour y répondre.

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