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Le Mobilier National furieux contre le rapport de la Cour des comptes

"Ça nous reste en travers de la gorge": ce chef d'un département de menuiserie du Mobilier National dit toute l'amertume de 350 employés, fiers d'un héritage de plusieurs siècles de restauration et de création, après le rapport au vitriol de la Cour des comptes.

Le Mobilier National (et les manufactures qui en dépendent) est "à bout de souffle", "sclérosé", souffrant d'une mauvaise gestion, autorisant l'utilisation à des fins privées des outils publics, accuse ce rapport.

Ses employés travailleraient 30 heures par semaine et 120 jours par an. Il réclame sa "profonde transformation" ou préconise son éclatement entre la création, la gestion des objets et l'ameublement.

"Choqués", "chagrinés", les adjectifs ne sont pas assez forts pour qualifier l'abattement général des employés comme de la direction, qui jugent le rapport quasi insultant.

"Puisque nous sommes si inutiles, pourquoi la Cour des comptes nous avait-elle commandé deux tapisseries ?", demande, ironique, Hélène Bersani, directrice des manufactures de tissage (neuf ateliers à Paris et en province), posant fièrement devant le métier de haute lisse sur lequel une tapisserie met des mois ou des années à être confectionnée.

Faire des tapisseries "n'est pas rentable mais nécessaire" et "des jeunes bossent chez nous", dit-elle. Avec 3.600 tapisseries, c'est la plus grande collection au monde.

Fierté aussi pour les tapis. Le modèle du tapis européen vient de la manufacture de la Savonnerie inventé par le décorateur Charles Lebrun sous Louis XIV, plaide un artisan d'art.

Le Mobilier national est en discussion avec l'Elysée pour le prêt d'un tapis contemporain lors d'un prochain dîner offert à une importante délégation étrangère. Manière de montrer le savoir-faire français. Notre rôle est de "contribuer à l'image de l'excellence française", explique à l'AFP Jérôme Bescond, chef de l'atelier de création.

- "Accusations fausses" -

Son atelier crée des meubles des plus extraordinaires, chefs d'oeuvre du design comme ce buffet et cette colonne de rangement de Philippe Nigro, aux milliers de pièces de bois qui coulissent et ondulent comme des peaux de serpent.

De même que la gastronomie française est à l'honneur dans les ambassades, les meubles témoignent de la richesse du patrimoine, dit-il.

Dans l'immense espace Perret, où se sont déroulés en janvier les défilés de mode masculins de Hermès, vus par 9 millions de followers lors de la Fashion Week, des meubles d'un raffinement extrême, du 18e à aujourd'hui, sont exposés, attendant d'être prêtés dans un des 658 lieux "affectataires": d'un fauteuil où chaque signataire du traité de Versailles s'était assis, aux bureaux de François Mitterrand et Valéry Giscard d'Estaing..

Cérille Faucheux, chef de l'atelier de menuiserie en siège, s'inquiète que leur avenir puisse "être scellé sur des accusations fausses". "Le contribuable va se poser des questions" en lisant les compte-rendus, déplore ce passionné qui ajoute: "Mon plaisir dans ce métier, il est de tous les jours".

Selon lui, le rapporteur a posé des questions orientées, n'écoutait pas bien les réponses. M. Faucheux récuse l'emploi de l'expression "guerre des colles" dans le rapport, estimant qu'il n'y a eu que des "discussions normales d'experts".

Son atelier s'apprête tout juste à travailler une commande pour la salle à manger de l'hôtel Matignon.

Les ateliers recourent aux services extérieurs de laqueurs, canneurs, marbriers et autres, qui sont parfois les seuls survivants de leurs arts en France.

C'est ainsi que "le mobilier national est à la tête d'un écosystème d'ateliers, d'artisans: soit 120 petites structures, qui bénéficient des effets de l'argent public. Ce serait un coût social que de mettre 120 ateliers au chômage", avertit le directeur Hervé Lemoine.

"On a déjà commencé notre mue. Notre établissement est un diamant brut qui ne demande qu'à être taillé et dont toutes les facettes peuvent avoir un éclat extraordinaire", plaide-t-il.

Les syndicats CGT et CFDT du Mobilier National craignent l'avenir, notamment un regroupement avec la Manufacture de Sèvres.

Dans un communiqué publié mercredi, la CFDT a demandé au ministre de la Culture Franck Riester, qui "s'est abstenu de répondre" au rapport, de "soutenir notre service à compétence nationale (SCN) et les agents", s'inquiétant d'une éventuelle "décision plus que contestable" de fusion avec la Manufacture de Sèvres.

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