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Le procès du "groupe de Tarnac" sur les petites routes de Seine-et-Marne

Un air de partie de campagne au procès du "groupe de Tarnac": le tribunal correctionnel de Paris sillonnait vendredi les petites routes de Seine-et-Marne pour confronter les versions de l'accusation et de la défense sur le sabotage d'une ligne SNCF en 2008.

Le spectacle est pour le moins inhabituel. Un cortège d'une dizaine de véhicules escorté par les gendarmes et, en tête, un bus dans lequel se côtoient la présidente Corinne Goetzmann, les prévenus, les avocats et l'accusation.

D'étape en étape, de routes sinueuses entre les champs en petits villages, l'ambiance est détendue, parfois même émaillée d'éclats de rires: "Un peu de sérieux, je vous rappelle que nous sommes en audience, malgré les apparences!", sermonne d'ailleurs la présidente.

Au début du procès, elle avait accepté ce déplacement exceptionnel réclamé par la défense, le jugeant "utile à la manifestation de la vérité" dans cette affaire retentissante qui a longtemps été un dossier terroriste, avant que la qualification ne soit abandonnée.

Avec cette journée, le tribunal souhaite vérifier la cohérence d'une pièce centrale de l'accusation: un procès verbal d'une filature de Julien Coupat, présenté comme le théoricien du groupe libertaire, et de son ex-compagne Yildune Levy, réalisée par des policiers antiterroristes et du renseignement la nuit du 7 au 8 novembre 2008, où le sabotage d'une ligne du TGV Est a été commis.

Le tribunal a commencé son audience dans la commune de Trilport, près d'un pont enjambant la Marne, où le véhicule du couple a été vu faire un arrêt.

Cinq témoins membres de la Sous-direction antiterroriste (Sdat) étaient présents, tous cagoulés. La présidente leur a fait prêter serment en les appelant "témoin numéro 1, témoin numéro 2", pour préserver leur anonymat.

- Tubes en PVC -

Julien Coupat et Yildune Levy sont poursuivis pour avoir commis les dégradations en posant sur la ligne électrique un crochet qui a endommagé le pantographe d'un train qui filait vers Strasbourg.

Des tubes en PVC pouvant avoir servi à fixer un crochet sur la ligne SNCF et qui, selon l'accusation, auraient été achetés la veille par le couple dans un magasin de bricolage lors d'une interruption de leur surveillance, ont été repêchés dans la Marne 16 mois plus tard.

L'avocate de Yildune Levy, Me Marie Dosé, a jugé incohérente cette découverte dans une rivière qui a connu depuis le 8 novembre 2008 cinq épisodes de crues, des dragages et des nettoyages.

Sur le parcours vendredi après-midi, le procureur a cherché à démontrer que les arrêts du véhicule du couple Coupat-Levy à proximité de la voie ferrée correspondaient à des repérages en vue du sabotage.

Le déplacement se terminera à la nuit tombée sur le site même du sabotage, où les policiers affirment avoir observé à 04H05 le véhicule Mercedes du couple "stationné tous feux éteints à l'entrée d'une voie de service" de la SNCF, en contrebas de l'endroit où le crochet sera découvert. Ils disent en revanche ne pas avoir vu le sabotage.

Une version que conteste la défense, selon qui le couple était déjà rentré à cette heure-là à Paris, comme en témoignerait un retrait d'argent effectué avec la carte bleue de Yildune Levy à 02H44, dans le quartier de Pigalle.

"Les enquêteurs étaient bien sur place, contrairement aux affirmations de la défense", a affirmé mercredi l'ex-commissaire antiterroriste Fabrice Gardon, même s'il reconnaît des "approximations" dans le PV de surveillance.

Le policier a rappelé que le couple n'a jamais contesté sa présence sur les lieux jusqu'à 04H00, avant la découverte du relevé de carte bleue. "Notre conviction, c'est que c'est quelqu'un d'autre qui a effectué ce retrait", a-t-il dit.

Avant cette journée particulière, Jérémie Assous, avocat de Julien Coupat, avait dit espérer autre chose que la reconstitution de 2011 où chacun était reparti avec ses affirmations: "Si ce déplacement est fait dans des conditions normales, le tribunal se rendra compte que la police n'a cessé de mentir", a-t-il affirmé.

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