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Le saint-nectaire, roi des plateaux, en quête de main d'œuvre

L'été, la boutique de Thierry Massoulier ne désemplit pas: ce producteur de saint-nectaire fermier surfe sur le succès du fromage au goût de noisette fabriqué en Auvergne, mais la filière manque de bras et cherche à recruter.

"Le saint-nectaire, c'est un goût particulier, souvent associé aux souvenirs d'enfance, au Puy-de-Dôme, à la nature, aux grandes espaces", explique l'éleveur, qui transforme son lait en fromage avant de l'envoyer en cave d'affinage puis de le commercialiser.

Après s'être lancé seul dans l'élevage laitier, M. Massoulier s'est installé avec deux autres éleveurs en 2013, près de Saint-Nectaire (Puy-de-Dôme). Très vite, les trois partenaires ont choisi de transformer leur lait et de fabriquer du saint-nectaire fermier.

"Avant, on ne maîtrisait pas le prix du lait. Nous avions la chance d'être dans une zone AOP, pour nous c'était une évidence", raconte-t-il.

Le saint-nectaire AOP, qui trône en bonne place sur les tables étoilées, est fabriqué selon des pratiques respectueuses de l'environnement, répondant à un cahier des charges strict.

Le lait des éleveurs de cette zone - située dans le Cantal et le Puy-de-Dôme - est mieux rémunéré que celui des autres producteurs. De 32 centimes il y a une dizaine d'années, il est aujourd'hui vendu de 40 à 45 centimes le litre.

Près de l'imposant bâtiment en bois qui abrite l'étable, la salle de traite et l'atelier de fabrication, M. Massoulier a construit une boutique pour organiser des visites gratuites avec dégustation. "C'est important de montrer aux gens comment nous travaillons, de faire partager notre métier d'agriculteur, de valoriser notre travail et notre produit".

A la clé, une croissance "fulgurante": son chiffre d'affaires progresse de 30% par an, 19.000 visiteurs ont été accueillis en 2018.

Au niveau national 14.115 tonnes ont été commercialisées en 2018, contre 13.072 en 2010, relève Marie-Paule Chazal, directrice de l'interprofession AOP Saint-Nectaire.

- Demande de proximité -

Un autre marché s'est ouvert: chaque mois, l'éleveur part livrer des magasins de producteurs, sans intermédiaire avec l'acheteur, en Bretagne et en Midi-Pyrénées.

"Il y a aujourd'hui une forte demande de proximité", relève-t-il. Outre ses deux associés, six salariés travaillent à la ferme à temps plein.

Son prochain défi? Avoir sa propre cave d'affinage pour maîtriser la production du fromage de A à Z. Et d'autres embauches à venir.

"C'est un produit qui marche avec le tourisme", souligne Mme Chazal.

La saison estivale en Auvergne a bénéficié de l'inscription de la Chaîne des Puys sur la liste du patrimoine mondial de l'Unesco, tandis que les épisodes de canicule ont poussé les touristes vers les régions de montagne. Résultat: certains producteurs n'ont pas pu faire face aux demandes, à l'image de Nicolas Guittard, producteur à Saint-Genès-Champespe (Puy-de-Dôme), qui a dû installer au mois d'août un panneau "saint-nectaire en rupture de stock" devant sa ferme.

"Depuis 5, 6 ans, c'est récurrent. C'est un produit qui monte en notoriété et en gamme mais la période d'affinage est courte (28 jours) et on peut difficilement faire du stock", raconte l'éleveur de 80 vaches laitières, qui vend aussi son fromage dans les crèmeries et les grandes surfaces.

Le saint-nectaire AOP représente 2.000 emplois directs et près de 500 exploitations.

Mais la profession vieillit: dans 30% des exploitations, le plus jeune agriculteur a plus de 55 ans. "Il faudra une cinquantaine d'installations nouvelles d'ici 2025 pour assurer la production", affirme Mme Chazal.

La filière a donc besoin de bras et a lancé une campagne de recrutement au sommet de l'élevage de Cournon d'Auvergne (Puy-de-Dôme), après avoir fait le tour des établissements agricoles.

Des entretiens sont organisés entre candidats potentiels et exploitants. Des casques de réalité virtuelle permettent même de visiter une exploitation qui produit du saint-nectaire.

Technicien fromager, responsable des prairies, responsable d'atelier laitier, affineur: une quarantaine d'emplois salariés sont à pourvoir au salon, en plus de la cinquantaine de nouvelles installations qui seront nécessaires pour soutenir la production.

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