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Le Sénat s'oppose au projet de privatisation d'ADP

Le Sénat s'est opposé mardi, au terme d'un long débat parfois houleux, au projet de privatisation du groupe ADP (Aéroports de Paris), droite et gauche invoquant des arguments économiques, tout autant que des questions de souveraineté ou de sécurité.

"C'est une entreprise qui fonctionne, gardez-la", a lancé Roger Karoutchi (LR), tandis que Fabien Gay (CRCE à majorité communiste) estimait que si la droite et la gauche font "le choix ensemble de refuser cette privatisation (...) il faudra entendre la voix du Sénat".

Lors de l'examen en première lecture du projet de loi Pacte sur la croissance des entreprises, la chambre haute a adopté, par 246 voix contre 78, des amendements de suppression de l'article 44 modifiant le régime juridique d'ADP et ouvrant la voie à sa privatisation.

La très grande majorité des Républicains a voté pour ces amendements de suppression, de même que la totalité des groupes PS et CRCE et une partie des Indépendants. Ont voté contre la grande majorité des centristes, le groupe LREM et la quasi totalité du groupe RDSE (à majorité radicale).

Le dernier mot reviendra cependant à l'Assemblée nationale qui avait adopté cet article en première lecture.

Dans la nuit, le Sénat s'est également opposé au projet de privatisation de la Française des Jeux (FDJ).

L'État est jusqu'ici tenu de conserver la majorité des parts du groupe ADP. Le projet de loi Pacte lui permettra, une fois adopté, de procéder à la vente au privé de tout ou partie des actifs qu'il détient dans le groupe aéroportuaire, soit 50,63% des parts représentant quelque 9,5 milliards d'euros.

La future privatisation d'ADP doit prendre la forme d'une concession pour 70 ans.

"Cette opération n'est pas une privatisation sèche", a martelé le ministre de l'Économie Bruno Le Maire, avant de répondre point par point aux arguments avancés à gauche comme à droite contre la privatisation.

Le ministre, issu des rangs de LR, n'a pas manqué de souligner le "piquant" de la situation. Le débat au Sénat "prouve une chose, c'est que la recomposition politique française nous réserve encore bien des surprises", a-t-il ironisé.

- "Porte de la France" -

"Après le désastre financier de la privatisation des autoroutes, vous nous proposez de privatiser des actifs hautement sensibles", a attaqué le socialiste Martial Bourquin.

ADP "c'est la porte de la France sur le monde", "il faut le garder public", a-t-il exhorté, glissant: "Si Vinci n'a pas eu Notre-Dame-des-Landes, ce n'est pas une raison pour lui faire un cadeau".

"Nous parlons de notre principale frontière", a renchéri David Assouline (PS).

Michel Vaspart (LR) a jugé "étonnant de vendre au privé ce qui rapporte à l'État", se disant "opposé à la privatisation d'un monopole".

Alliés des Républicains dans la majorité sénatoriale, les centristes auraient souhaité que leurs collègues sortent d'une "posture politique" pour amender le texte dans le sens d'une plus grande "transparence" et d'une meilleure "régulation".

Le ministre a lui-même insisté avant le vote sur le rôle que pouvait avoir le Sénat "dans le renforcement de la régulation", rappelant à plusieurs reprises qu'il était prêt à accepter des amendements dans ce sens.

Le débat s'est envenimé dans la soirée, les sénateurs et le ministre s'opposant, dans une grande confusion, sur l'opportunité de continuer à débattre de la régulation économique, une fois la privatisation rejetée.

M. Le Maire a indiqué ne pas "se sentir lié" par ces discussions. "Je vous ai tendu la main et vous n'avez pas voulu la saisir, votre choix est fait", a-t-il ajouté.

"Ce n'est pas du chantage, c'est de l'honnêteté", a-t-il rétorqué à la sénatrice LR Sophie Primas qui s'offusquait de ces propos.

Le produit des cessions d'actifs d'ADP, ainsi qu'une partie de ceux détenus par l'État dans la Française des jeux et Engie, devrait être investi en obligations d'État et rapporter 250 millions d'euros par an qui serviront à financer des projets innovants.

L'examen de la loi Pacte se poursuivra mercredi après-midi avec les dispositions autorisant l'Etat à descendre en-dessous d'un tiers du capital d'Engie.

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