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Les agriculteurs vont passer la nuit dans les dépôts de carburants bloqués

Les agriculteurs s'apprêtaient lundi soir à passer la nuit sur les barrages qui bloquent 16 dépôts de carburant et raffineries, déterminés à se relayer jusqu'à mercredi pour protester contre l'importation de produits agricoles non conformes aux normes françaises, malgré une réunion avec le ministre de l'Agriculture prévue mardi.

"C'est un coup de semonce que nous voulons donner. L'agriculture, c'est 14% des emplois français. C'est un secteur qui compte. Aujourd'hui 3.000 agriculteurs sont dans la rue. Est-ce qu'ils vont être écoutés ou pas ?", s'est interrogée Christiane Lambert, patronne de la FNSEA, le puissant syndicat agricole qui organise cette action depuis dimanche soir avec les Jeunes Agriculteurs (JA) pour trois jours reconductibles.

Interrogé lundi soir sur BFM TV, le ministre de l'Agriculture, Stéphane Travert, s'est dit "prêt à dialoguer avec eux", assurant avoir passé la journée à travailler "pour répondre à l'ensemble des questions qui sont les leurs, sur l'huile de palme mais aussi la PAC (Politique agricole commune de l'UE, ndlr) et les accords commerciaux". Il les recevra mardi vers 15H00.

Lundi soir, 16 raffineries ou dépôts de carburant étaient bloqués. Les agriculteurs qui bloquaient le site de La Mède (Bouches-du-Rhône), symbole de leur lutte contre l'importation de produits agricoles dont l'huile de palme, ont levé le barrage à la mi-journée, tandis que trois dépôts supplémentaires ont été bloqués dans l'après-midi à Saint-Priest (Rhône), Reichstett (Bas-Rhin) et Portes-lès-Valence (Drôme).

- les équipes se relayent -

"On veut que l'agriculture française ait un avenir et pour cela, il nous faut être payé au juste prix et avoir des charges peu élevées. Or, aujourd'hui, c'est tout l'inverse", a indiqué à l'AFP le président de la FRSEA Auvergne-Rhône-Alpes, Michel Joux, qui entend continuer le mouvement demain sur les cinq sites de la région.

A Vatry, jusqu'à 200 agriculteurs, pour la plupart marnais et ardennais, se sont mobilisés lundi et "les équipes se relayent, avec pour la nuit une cinquantaine d'agriculteurs qui restent sur place", a indiqué la porte-parole de la FDSEA de la Marne. "Demain, une centaine de personnes sont attendues sur le site, dont une trentaine d'agriculteurs aubois, puis le relais sera pris mercredi par les exploitants agricoles venus de Haute-Marne", a-t-elle ajouté.

FNSEA et JA entendent dénoncer "les contradictions" du gouvernement qui incite les agriculteurs français à monter en gamme tout en concluant des accords de commerce international qui provoquent des distorsions de concurrence.

Le symbole de ces "incohérences" a été l'autorisation donnée à Total d'importer jusqu'à 300.000 tonnes par an d'huile de palme pour alimenter sa bioraffinerie de La Mède, qui doit démarrer cet été. Les deux syndicats assurent que l'agriculture française peut fournir davantage d'huile de tournesol ou de colza à cette usine que les 50.000 tonnes promises, mais à un prix supérieur à celui de l'oléagineux importé d'Asie du Sud-est.

Après avoir déclaré lundi matin que "le gouvernement ne reviendra pas" sur l'autorisation donnée à Total, M. Travert a détourné le débat en assurant lundi soir qu'il fallait "trouver un équilibre entre l'utilisation alimentaire et l'utilisation dans les biocarburants" du colza.

- autonomie protéïque -

"Nous avons en France une filière de colza de qualité, que je soutiens pleinement, qui produit des huiles alimentaires et des tourteaux de colza. Ces tourteaux nous permettent d'avoir l'autonomie protéique dont nous avons besoin", pour nourrir les troupeaux, a-t-il rappelé.

Un point de vue soutenu par deux syndicats agricoles minoritaires, la Confédération paysanne et la Coordination rurale, qui ont dénoncé chacun de leur côté les manifestations de la FNSEA, estimant que les cultures de colza françaises seraient mieux utilisées dans l'alimentation humaine que pour faire du biocarburant.

"La FNSEA mobilise donc ses troupes pour défendre les intérêts du groupe Avril, concurrencé par le pétrolier Total, pour capter le marché des agrocarburants", a ainsi assuré la Confédération paysanne qui estime que "transformer de l'huile de colza en agrocarburant est une impasse pour les paysans, dont le bilan environnemental s'avère calamiteux".

"Pourquoi ne pas ouvrir le débat à toutes les productions agricoles en bloquant plutôt les ports par lesquels transitent ces marchandises ?", s'est interrogée la Coordination rurale, qui assure qu'elle "ne rejoindra les manifestations de la FNSEA que lorsque ce syndicat défendra uniquement les intérêts des agriculteurs".

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