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Les Evzones ont 150 ans: dans les coulisses de la garde présidentielle grecque

Bas blancs et fixe-chaussettes noirs enfilés, l'Evzone Christos Lialis s'immobilise pour que son camarade Alexandros Milionis l'aide à fixer sa "fustanelle", la jupe plissée blanche emblématique de son corps d'élite, vieux d'un siècle et demi.

Ce "couple" d'Evzones, tous deux âgés de 24 ans, font partie de la centaine hébergés dans une petite caserne du centre d'Athènes.

Leur mission: garder le monument du Soldat inconnu sur la place Syntagma, à 500 mètres de là et du Palais présidentiel.

A la différence d'autres gardes d'honneur, les Evzones sont des appelés, choisis après une "dure formation de six semaines" pendant laquelle "l'endurance, la discipline et l'exactitude" sont récompensées, explique à l'AFP le capitaine Nikolaos Vavlekis, responsable de cette garde.

Condition sine qua non: mesurer entre 1,87 et 2,10 m. Seuls 33% des candidats sont retenus, l'enjeu étant de "renforcer la concentration, la discipline du corps et de l'âme pour permettre de rester immobile pendant au moins une heure, le regard fixé sur l'infini, indifférent à la cohue", poursuit-il.

La lente danse aux pas calculés au millimètre de la relève des Evzones est depuis des décennies une des grandes attractions touristiques d'Athènes.

- 400 plis pour 400 ans-

Arrivé presqu'au terme de son service, Christos Lialis se dit "ému" de quitter bientôt son corps.

"Certains s'effondrent en larmes avant leurs dernières gardes", témoigne Dimitra Psychogiou, officier en charge des relations publiques.

Après la fustanelle au genou -- 30m2 de coton travaillés en 400 plis-- c'est au tour de la chemise blanche d'être enfilée.

Elle aussi porte 400 plis, un rappel, selon la tradition, des quatre siècles de domination ottomane, du XVe au XIXe siècle.

Complété par un gilet de laine brodé à la main, le costume est tenu par une ceinture bien serrée, qui a donné son nom au corps d'élite, Evzone signifiant en grec "bien ceinturé".

Aux pieds, les sabots ferrés de cuir rouge, "les tsarouchia" et sur la tête le "farion", un fez rouge.

Il symbolise "le sang versé pendant les guerres" et ses fils de soie noire "les larmes versées pour les victimes", assure le tailleur de la caserne Vaguélis Lazos.

Son art lui a été transmis par son père, employé avant lui de l'atelier de couture où travaillent huit civils au premier étage de la caserne.

Pour le seul gilet, "fermeli", qui servait jadis d'armure de bataille, il faut six mois de travail, explique-t-il.

L'Evzone a besoin d'au moins 45 minutes pour endosser ce costume, et l'aide de son "partenaire", qui lui est assigné pour toute la durée de son service, est indispensable.

- Le charme opère -

Le jeu en vaut la chandelle pour Fotis Théodorakopoulos, 42 ans, venu en famille assister à la parade que la garde offre aux Athéniens tous les dimanches. "L'Evzone incarne la fierté d'être Grec, le respect de l'histoire (...), c'est magique", dit-il.

"C'est très impressionnant, les habits sont très beaux et si différents de ceux de notre garde", s'exclame Caroline Perkins, une touriste britannique suivant aussi le spectacle.

Devant ces fans, l'Evzone doit être impavide. En cas de problème, il ne peut que cligner des paupières -- une fois pour "oui", deux fois pour "non" -- pour communiquer avec son supérieur.

Sinon, "tout mouvement ou réaction à des évènements extérieurs est considéré comme un outrage à la mission" de cette garde, affirme Nikolaos Vavlekis.

Depuis 150 ans, il s'agit de "rendre hommage aux héros de la nation" et représenter "la tradition, les idéaux de liberté et de démocratie", poursuit-il.

Le charme a même opéré auprès de la haute-couture, avec la réinterprétation de la fustanelle par le styliste français Jean-Paul Gaultier.

Et en 1976, raconte Pantelis Xystros, il lui avait permis de conquérir sa future femme, devant la guérite. Cet Evzone vétéran est actuellement l'administrateur de la page Facebook de la garde.

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