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Les fabricants de vélos taïwanais remontent la pente

Dans le vacarme du cliquetis des machines, du sifflement des forets et du souffle des compresseurs, les vélos prennent forme dans cet atelier du groupe Giant, à la pointe des efforts de Taïwan pour remonter sur la plus haute marche du podium mondial des fabricants de cycles.

L'île fut première jusqu'aux années 1990, avant que la Chine n'absorbe, grâce à sa main d'oeuvre bon marché, l'essentiel de cette production.

Mais les choses sont en train de changer pour plusieurs raisons comme la demande grandissante en vélos électriques des pays européens ou encore, depuis plus récemment, l'impact de la guerre commerciale sino-américaine.

Beaucoup des vélos en cours d'assemblage dans cet atelier de Taichung, dans le centre de Taïwan, présentent ainsi un cadre plus large que la normale, pour accueillir les batteries rechargeables qui amélioreront le coup de pédale de leurs utilisateurs.

"Cela a été un des principaux moteurs ces cinq dernières années", explique Bonnie Tu, directrice financière de Giant, qui précise que les vélo à assistance électrique (VAE) représentent un cinquième du chiffre d'affaires du groupe. "Il se peut que cette année, nous atteignions les 30%".

- Mesures antidumping -

Le marché mondial des vélos électriques, qui était de 16,34 milliards de dollars en 2017, devrait se chiffrer en 2025 à 23,83 milliards, selon le cabinet Allied Market Research.

Les exportations taïwanaises de VAE ont bondi de 50% en 2018, selon les douanes. Chaque vélo coûte en moyenne 1.378 dollars, ce qui est bien supérieur au prix d'une bicyclette normale.

Si les usines chinoises occupent toujours la première place pour ce qui est de la production de vélos électriques, leurs concurrentes taïwanaises sont en train de gagner du terrain.

Au premier trimestre 2019, les exportations taïwanaises de VAE vers l'Europe ont augmenté de 135%, et vers les Etats-Unis de 78%.

Les raisons poussant les entreprises à relocaliser à Taïwan leur production chinoise sont nombreuses.

En janvier, l'Union européenne a pris une série de mesures antidumping contre une Chine était qui était de longue date accusée d'inonder les marchés de ses vélos électriques produits par un secteur fortement subventionné et vendus à moindre coût.

Il y a aussi eu les droits de douane imposés à Pékin par les Etats-Unis dans le cadre de la guerre commerciale, qui ont pénalisé aussi les entreprises taïwanaises produisant en Chine.

D'où une nette hausse de la production des usines taïwanaises.

- Plus de traitement de faveur -

"Le changement était déjà plus ou moins en cours avant l'élection de Trump", relativise cependant Shelley Rigger, spécialiste de Taïwan au Davidson College de Caroline du Nord.

Avant même la guerre commerciale, rappelle-t-elle, les entreprises taïwanaises s'inquiétaient de la hausse du coût du travail en Chine et de la disparition de nombreuses mesures incitatives qui les avaient initialement convaincues de faire produire dans ce pays.

"Elles n'ont plus le traitement de faveur qu'elles avaient et ne réalisent plus les mêmes économies de coûts", explique Mme Rigger.

L'industrie taïwanaise du cycle est considérée comme un bon indicateur car son développement a été étroitement lié ces dernières décennies à celui de l'économie en général.

Comme Taïwan, les fabricants de cycles de l'île ont débuté tout en bas de l'échelle, sur le créneau des pièces détachées et produits de faible qualité.

Ils ont progressivement gagné en expertise pour figurer parmi les plus grandes marques de cycle, avec des entreprises mondialement célèbres comme Giant et Merida.

La présidente taïwanaise Tsai Ing-wen appartient à un parti traditionnellement sceptique à l'égard de Pékin qui prône une moins grande dépendance économique à l'égard de la Chine.

Elle exhorte depuis son élection les entreprises à rapatrier leur production, ce que certaines ont fait.

Une quarantaine de groupes, dont Giant, se sont à ce stade engagés à investir un total de 6,7 milliards de dollars à Taïwan, et d'y créer plus de 21.000 emplois.

Mais la question du retour demeure sensible pour nombre d'entreprises qui redoutent des représailles chinoises, au point que certaines demandent au gouvernement taïwanais de ne pas dévoiler leur nom.

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