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Les Hudson Yards, nouveau laboratoire d'urbanisme et de controverse à Manhattan

Plus grand projet immobilier privé jamais réalisé aux Etats-Unis, le quartier des Hudson Yards, nouvelle terre d'innovation urbanistique et de controverse dans un New York en pleine ébullition immobilière, ouvre vendredi à Manhattan.

Il aura fallu presque sept ans de construction et 16 milliards de dollars pour que les premiers habitants de ce nouveau quartier, érigé sur une gigantesque dalle de béton recouvrant un dépôt ferroviaire, s'installent dans de luxueux appartements aux prix pouvant dépasser les 30 millions de dollars.

Longtemps déserté, ce quartier va se dévoiler aux New-Yorkais et aux touristes comme un nouvel hommage à la verticalité légendaire de la capitale financière américaine.

Pas de record de hauteur pour cet ensemble de six gratte-ciel, impulsé dans les années 2000, sous le règne du maire Michael Bloomberg. Mais les innovations technologiques pullulent: le complexe a son système de traitement des déchets, sa station électrique anti-coupure de courant, et des portes souterraines automatiques pour protéger les équipements sensibles face aux épisodes de montée des eaux, dus au réchauffement climatique.

- Nouvelle "icône" new-yorkaise? -

Au-delà de la volonté de récupérer de l'espace dans une ville extrêmement dense, ce nouveau quartier se veut pleinement intégré dans la ville, explique Douglas Woodward, professeur à l'école d'architecture de l'Université de Columbia qui a participé à l'élaboration du projet.

Outre des tours résidentielles et de bureaux, accueillant des sociétés comme L'Oréal ou SAP, l'ensemble comprend une centaine de magasins et 25 restaurants dirigés par des chefs réputés, un centre artistique qui doit ouvrir en avril, et un vaste espace public savamment arboré pour créer "une atmosphère de campus" universitaire, souligne M. Woodward.

Contrairement au quartier de Canary Wharf, éloigné du coeur de Londres, ou à La Défense, à l'ouest de Paris, les Hudson Yards sont, grâce à une station de métro ouverte dès 2015, à quelques minutes de Times Square.

Et on peut y accéder par la High Line, promenade aménagée sur une ex-voie ferrée devenue en quelques années une grande attraction new-yorkaise.

C'est d'ailleurs l'espoir du promoteur, Stephen Ross, maître d'oeuvre de ce projet réputé le plus ambitieux depuis la construction du Rockefeller Center dans les années 30: faire des Hudson Yards "la plus grande attraction touristique et une icône new-yorkaise".

Malgré les risques inhérents aux montants engagés, et le fait que beaucoup d'appartements restent à louer, ce puissant promoteur de 78 ans, qui prévoit d'emménager prochainement dans un appartement du nouvel ensemble, semble confiant.

"Ce que nous faisons ici est tellement unique que les gens voudront venir", indiquait-il lors d'une récente visite du chantier. "Ici on a un environnement où vivre, travailler, s'amuser, tout en étant en pleine ville. Ça n'existe plus nulle part!"

- Critiques -

D'autres sont moins enthousiastes. Un célèbre critique en architecture du magazine, Justin Davidson, jugeait en février le projet "trop propre", "trop parfait", réservé aux privilégiés. Comme une reproduction de New York pour le cinéma, d'où l'on aurait retiré "résidents excentriques" et "poches de laideur".

Alors que la grogne monte face aux réductions d'impôts accordées aux grandes entreprises comme Amazon, beaucoup dénoncent aussi les aides fiscales et subventions accordées au projet, estimées au total à près de 6 milliards.

Autre cible des critiques: le "Vessel" (Vaisseau), une structure évasée de 15 étages, placée au centre de l'espace public. On grimpe à son sommet par 154 escaliers différents, moyennant des réservations gratuites sur internet. Lors de la présentation du projet en 2017, le journal New York Times l'avait qualifiée d'"escalier menant nulle part".

Pourtant, beaucoup reconnaissent que, comme souvent avec les grands projets architecturaux, le verdict ne sera rendu qu'à l'usage. D'autant qu'une des attractions du projet, une terrasse-observatoire à plus de 300 mètres du sol, n'ouvrira qu'en 2020.

Et une deuxième phase du projet commence à peine: une autre dalle doit être coulée sur la partie ouest du dépôt ferroviaire, tout près de la rivière Hudson, qui accueillera un quartier plus résidentiel avec école et espaces verts.

Une chose est sûre: dopés par une économie dynamique, les projets immobiliers fleurissent à New York, à l'ouest comme à l'est de Manhattan, sur "l'Allée des Milliardaires" bordant Central Park, ou encore dans le quartier du Queens, où les études viennent d'être lancées pour développer un dépôt ferroviaire plus grand encore que les Hudson Yards, Sunnyside Yard.

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