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Les légendaires brise-lames de Saint-Malo s'offrent une nouvelle jeunesse

Dressés par centaines face à la mer, les brise-lames en chêne de Saint-Malo, anges gardiens centenaires des digues de la cité corsaire, s'offrent une spectaculaire rénovation à l'occasion d'un chantier qui doit composer chaque jour avec la marée.

"Ça m'émeut, je tenais à prendre une photo, on en a tellement entendu parler", confie à l'AFP Myriam Cocherel, Malouine de 56 ans, face à la danse des tractopelles sur la grande plage du Sillon.

Scrutés par des dizaines de curieux, les conducteurs d'engins s'activent sous un beau soleil d'automne avant la remontée de la marée. Leurs grappins s'emparent délicatement des pieux en chêne de 7 mètres de long installés il y a 200 ans sur près de trois kilomètres pour casser les vagues qui se jettent contre la digue.

Après avoir creusé une tranchée de 2,5 mètres autour des brise-lames, les nouveaux pieux en chêne issus de forêts du grand ouest sont mis d'aplomb à l'aide d'un cadre en acier, puis l'ensemble est remblayé avec du sable et des pierres concassées.

"On fait environ 30 pieux par jour. Pour obtenir l'aspect des anciens pieux, il faut des chênes noueux, un peu torturés sur la longueur, et il faut qu'ils prennent la mer", explique Laurent Vidoni, responsable du chantier chez Merceron TP, pour qui le plus difficile est de "devoir composer chaque jour avec la marée et ses coefficients".

Au total, la cité corsaire compte 3.000 brise-lames, installés pour la plupart par les Ponts et Chaussées en 1825, même si les premiers, d'un mètre de haut, ont été plantés en 1698 après de violentes marées d'équinoxe, selon l'historien Gilles Foucqueron.

Légendaires, ils apparaissaient déjà dans les Mémoires d'Outre-Tombe de Chateaubriand. L'écrivain raconte comment, enfant, il se cachait dans cette forêt bien ordonnancée, grimpant et tombant parfois du haut des pieux, baignés par les flots à marée haute.

- "Petit morceau d'histoire" -

"Si on n’a pas ces brise-lames, les joints qu’on voit entre les pierres sautent à l’assaut des vagues (...) Ça crée un vide derrière et il y a un risque d'effondrement, donc il est très important de mettre ces pieux en place pour protéger la digue derrière", explique à l'AFP Sandrine Mary, chargée de mission à la DDTM d'Ille-et-Vilaine (Direction départementale des territoires et de la mer), casque de chantier et veste jaune fluo.

Au cours du chantier piloté par l’État, mille seront déplantés et cinq cents conservés. "C'est impressionnant car ça n'a jamais été fait même si ponctuellement des brise-lames ont déjà été remplacés", poursuit Mme Mary.

Le chantier, qui a démarré le 15 novembre et doit s'achever fin février, représente un investissement d'1,7 million d'euros, financé par l’État. Une fois les brise-lames et la digue remis en état, leur propriété sera transférée de l’État à l'agglomération de Saint-Malo dans le cadre de nouvelles compétences sur la prévention des inondations.

"Je suis agréablement surpris par le résultat, ça ne fait pas bâton de surimi, même s'il faut leur laisser le temps de se patiner", plaisante le maire Gilles Lurton (LR), venu inspecter les lieux.

Fendus, trop fins, ou pourris de l'intérieur, les anciens brise-lames gorgés d'eau seront déclassés et stockés dans un parc de la cité corsaire avant d'être restitués pour un euro symbolique à la ville, qui pourra les utiliser pour décorer son espace public.

Beaucoup de demandes émanent aussi de particuliers, comme Mme Cocherel, qui rêve d'avoir un "petit bout d'histoire" chez elle. "Même si ce n'est qu'un petit morceau, pour moi c'est un souvenir emblématique de Saint-Malo, c'est la vie de Saint-Malo, ce n'est pas quelque chose qu'on retrouve ailleurs", justifie la Malouine, lunettes de soleil et bonnet bien enfoncé sur la tête.

Interrogé sur l'engouement de la population, le maire assure que ces trésors de bois ne seront "pas réservés à ceux qui ont de gros moyens". "Il faut que les Malouins puissent profiter de leur patrimoine", prévient-il.

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