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Le gouvernement va renforcer l'encadrement des "retraites chapeaux"

Le gouvernement a dévoilé jeudi ses intentions pour renforcer l'encadrement des "retraites chapeaux" des dirigeants d'entreprises après une nouvelle polémique, déclenchée par l'enveloppe annuelle de 1,3 million d'euros que le patron d'Airbus va toucher à ce titre.

Le ministre de l'Economie Bruno Le Maire a annoncé que ces prestations supplémentaires, aux montants fixés à l'avance par contrat, seraient limitées par la loi à 30% du salaire annuel des bénéficiaires.

Une ordonnance va être introduite dans le projet de loi Pacte, qui doit être définitivement voté par le parlement la semaine prochaine, selon le ministre.

Jusqu'à présent, le code de gouvernance Afep Medef, les deux principales organisations regroupant les grands patrons, prévoyait une limite à 45% du salaire, mais cette recommandation n'avait pas force de loi.

"Visiblement, les bonnes pratiques ne suffisent pas", a regretté M. Le Maire sur BFMTV et RMC, s'élevant contre "des excès insupportables" d'un "capitalisme d'un autre temps".

"Je n'ai pas attendu le départ de Tom Enders pour m'apercevoir de certains excès. C'est pour ça que nous avions prévu cette ordonnance", a affirmé M. Le Maire.

Mais Airbus étant une société de droit néerlandais, elle n'a pas à suivre les règles du code de gouvernance Afep Medef et le renforcement de la seule loi française pourrait ne rien y changer.

Les conditions de départ du patron d'Airbus, qui touchera jusqu'à 36,8 millions d'euros, suscitent en tout cas de vives critiques.

M. Enders, qui quittera ses fonctions le 10 avril, pourrait toucher 26,3 millions d'euros, somme provisionnée par l'avionneur européen pour ses années de retraite, des actions gratuites de performance évaluées à 7,3 millions d'euros et 3,2 millions pour une indemnité de non-concurrence d'un an, selon une estimation réalisée par le cabinet d'étude Proxinvest.

"Nous prévoirons qu'il sera désormais interdit de cumuler +retraite chapeau+ et clause de non concurrence", car "à partir du moment où vous partez à la retraite, c'est que vous partez à la retraite et n'allez pas aller travailler chez un concurrent", dit le ministre.

"Donc, je ne vois pas comment on peut cumuler une +retraite chapeau+ et une clause de non-concurrence", s'est étonné M. Le Maire. "Là encore, ça sera inscrit dans la loi", a-t-il promis.

- Droits transférables -

"Beaucoup d'entrepreneurs français ont changé leurs pratiques et compris qu'on était entré dans une nouvelle époque", s'est toutefois félicité Bruno Le Maire, saluant au passage Jean-Dominique Sénard pour avoir divisé par deux son salaire de référence de président de Renault, par rapport à celui de son prédécesseur Carlos Ghosn, lequel, mis en examen au Japon, s'est vu priver de "retraite chapeau" par le conseil d'administration du constructeur automobile après avoir démissionné.

Selon une copie du projet d'ordonnance obtenue par l'AFP, le texte permettra de limiter les versements à la retraite chapeau, c'est-à-dire "les droits supplémentaires", à 30% de la rémunération annuelle du bénéficiaire.

Mais le texte assure également la portabilité de ces versements tout au long de la carrière des dirigeants.

"Les droits à retraite acquis soit sont transférables vers tout autre contrat mentionné au même chapitre, soit restent acquis au bénéficiaire", selon ce projet d'ordonnance, qui doit mettre en conformité le droit français avec une directive européenne datant de 2014.

Dans le cas de Carlos Ghosn, Renault a annoncé mercredi qu'il ne lui verserait pas de retraite chapeau, au motif justement qu'il n'est plus mandataire social dans l'entreprise, au moment de solliciter le versement de celle-ci.

La "loi Macron" d'août 2015 a renforcé le code Afep-Medef en subordonnant l'octroi des retraites chapeau à l'atteinte des performances de l'entreprise et en interdisant d'attribuer d'office des années d'ancienneté fictives à un patron qui vient d'arriver.

Les indemnités de départ des grands patrons font l'objet de polémiques récurrentes en France.

De plus, ces usages contestés ne sont pas du ressort du code de bonne conduite Afep Medef lorsque l'entreprise n'a pas son siège social en France, comme cela a récemment été le cas pour Thierry Pilenko, le patron du groupe TechnipFMC qui va toucher environ 14 millions d'euros en mai 2019, alors que ce groupe d'équipements pétroliers a essuyé l'an dernier sous sa présidence une perte de près de 2 milliards de dollars.

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