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Les sandales des moines bénédictins, ça marche... même au Japon!

Dès la messe terminée au monastère de la Garde, à St-Pierre-de-Clairac (Lot-et-Garonne), frère Augustin troque la robe pour un "bleu de travail" et retourne à l'atelier fabriquer des sandales aux noms évocateurs : "Benoît", "Scholastique" et "Hildegarde".

Ces modèles, vendus jusqu'au Japon, connaissent un tel succès que les bénédictins refusent parfois des commandes pour préserver le rythme de leur vie monastique.

"Elles sont solides. On ne peut pas dire que c'est confortable les premiers jours, c'est assez dur. Il faut que le cuir se fasse. Après, on est bien", explique ce moine québecois qui porte des sandales "Benoît", du nom du fondateur de l'ordre bénédictin, toute l'année, avec des chaussettes l'hiver.

Robe bleue élimée par les années avec une capuce (sorte de capuchon en pointe), longue ceinture en cuir, il travaille parmi les boîtes de chaussures, bidons de colle et machines dans un atelier où l'odeur de cuir est omniprésente. Les murs et les rebords de fenêtres accueillent images ou statuettes de la sainte Vierge, de saint Joseph et du Christ.

Avec à ses côtés quatre frères qui l'aident à mi-temps, il manie une presse à découper pour obtenir des lanières de différentes tailles. Une fois celles-ci assemblées sur la semelle, les frères les collent sur la presse à souder.

Les finitions se font aux ciseaux et à la machine pour obtenir des chaussures dont la semelle est estampillée: "Sandales du monastère Saint-Marie la Garde Saint-Pierre-de-Clairac 47270".

Les moines misent sur la qualité et la proximité : les cuirs de bovin, en tannage végétal, viennent d'une tannerie de Pau (Pyrénées-Atlantiques) qui se fournit en Europe, les semelles en caoutchouc Vibram sont italiennes : "On ne veut pas de cuir de Chine pour avoir une traçabilité", explique le cellérier (économe), père Hubert.

"Quand nous avons fondé le monastère en 2002, dès l'année suivante, les frères ont cherché à travailler pour permettre à la communauté de vivre selon le principe de saint Benoît. On s'est tourné vers ce métier", raconte ce jeune Breton qui porte comme les 15 autres bénédictins du monastère la tonsure monastique.

- "En contact avec Dieu" -

Au fil des ans, les moines ont développé trois modèles de différents coloris de sandales. "On a commencé par les Benoît, puis les Scholastique (du nom de la soeur du saint) très similaires pour répondre à la demande féminine. Les Hildegarde (religieuse allemande) ont des lanières plus fines et élégantes", décrit le moine.

Le succès est au rendez-vous avec quelque 1.200 paires vendues chaque année par la maison mère dans le Vaucluse, l'abbaye Sainte-Madeleine du Barroux, des revendeurs d'artisanat monastique ainsi qu'une entreprise allemande.

"Je crois que nous sommes les seuls moines à faire des sandales en France", note père Hubert, surpris de recevoir des commandes du Japon. "Ils nous ont demandé de faire la pointure 35 pour les femmes. Du coup, nous le proposons aussi dans notre gamme", précise le bénédictin.

Avec une trentaine de paires confectionnées par semaine, les moines peinent à répondre à la demande. Les journées sont déjà bien remplies par la prière liturgique durant les huit offices dont un de nuit, les temps de lecture et de prière personnelle.

"Le travail est organisé de telle sorte qu'on puisse le répartir dans l'année tout en gardant notre rythme monastique, en s'organisant en amont, quitte à refuser des revendeurs", explique père Hubert.

Pendant l'automne et l'hiver, les moines refont leur stock, préparent en avance des lanières... pour être prêts à répondre à la demande dès le retour du soleil.

"C'est un travail manuel, l'esprit est libre. On peut prier en même temps, on est en contact avec Dieu", se réjouit frère Augustin, tout en soulignant les limites : "c'est un défi d'aller à l'office et de savoir abandonner le travail. C'est sûr, il y a toujours un combat entre le débordement d'activité et la vie intérieure".

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