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La justice valide une reprise des smartphones reconditionnés Remade avec 211 licenciements

La justice a validé jeudi un rachat de la société normande Remade (smartphones reconditionnés) qui implique la suppression de 211 postes sur 328, mais les représentants du personnel menacent de le bloquer, au risque d'une fermeture totale, s'ils n'obtiennent pas des actionnaires des indemnités supralégales pour les licenciés.

Le tribunal de commerce de Rouen "a ordonné la cession" des actifs à la société Fourth Wave Technology (créée en 2019 par son pdg Suresh Radhakrishnan) malgré un prix de rachat "faible" de 3,3 millions d'euros.

Le groupe Remade, basé à Poilley (Manche), près du Mont-Saint-Michel, et lancé en 2014, avait atteint un effectif de 680 personnes en 2019 avant d'être placé avec ses filiales en redressement judiciaire fin septembre.

Durant l'audience à huis clos du 9 janvier, dont le tribunal a publié un compte rendu jeudi, les administrateurs judiciaires avaient exprimé comme le parquet un avis favorable, soulignant la capacité du candidat à "échanger en toute transparence".

En outre, le Britannique "dispose d'ouvertures à l'export qui semblent indispensables", avaient-ils ajouté.

La seconde offre présentée le 9 janvier, par le fondateur et ancien PDG Matthieu Millet, qui proposait de reprendre plus de salariés (142), pour 1,3 million d'euros, est donc rejetée.

Pour le contrôleur des AGS (régime de garantie des salaires), l'offre de M. Millet "peut être qualifiée de dangereuse et irrationnelle".

Mais à l'issue d'une assemblée générale, sans médias, dans les locaux flambants neufs de Remade à Poilley, la secrétaire CFDT du CSE Sophia Garcia a annoncé dans l'après-midi que les salariés allaient "empêcher la reprise de la société tant que" les actionnaires n'auraient pas accordé d'indemnités supralégales aux licenciés.

Les salariés "séquestrent" depuis mardi soir les 25.000 smartphones en stock, selon la CFDT.

"Les salariés sont solidaires, refusent de se faire mépriser une nouvelle fois et sont prêts à risquer de se faire licencier pour que leurs collègues qui vont être licenciés soient indemnisés du préjudice qu'ils ont subi", a ajouté l'avocat du CSE Thomas Hollande.

- "Impression d'être à l'abattoir" -

Ils réclament 3 millions d'euros aux actionnaires, "Idinvest, un des principaux fonds français qui appartient à Eurazeo, dont le vice-président du conseil de surveillance est Jean-Pierre Raffarin", LGT, "le principal actionnaire, qui dépend du Lichtentein" et Matthieu Millet, a poursuivi le conseil.

"Par rapport aux 200 millions investis par les actionnaires dans la société, c'est presque ridicule ce qu'on demande", a insisté l'avocat.

La loi Macron a supprimé en 2015 l'obligation pour les groupes de contribuer au financement des PSE des entreprises en redressement ou liquidation judiciaire.

Les actionnaires "ont commis des fautes directement à l'origine de la faillite de Remade (...) et on ira engager toutes les actions judiciaires possibles au civil comme au pénal pour qu'ils payent et qu'ils soient reconnus responsables", a affirmé Me Hollande.

Interrogée par l'AFP, sur cette annonce des salariés, le repreneur a indiqué qu'il les "comprenait". L’entrée en jouissance de la reprise a été fixée au 21 janvier.

M. Millet a été par le passé interdit de gérer plusieurs autres entreprises. Remade fait par ailleurs l'objet d'une enquête préliminaire pour faux bilan et fausses factures.

Jeudi en fin de journée, la lassitude dominait parmi les salariés.

Favorables au blocage de la reprise, Nathalie, 54 ans, Chrystel, 49 ans, Agnès, 59 ans, ne connaissaient pas encore leur sort, mais souhaiteraient être licenciées. "Aujourd'hui, on avait l'impression d'être à l'abattoir. A mon âge, ça va être difficile de retrouver du travail, mais j'en ai marre de tout ça. Et puis, on repart avec la même équipe de direction, alors, si c'est pour recommencer (la faillite NDLR) dans un an...", confie Nathalie.

Virginie, 33 ans et deux enfants, appréciait ici les horaires (9h-17h) et dit ne pas avoir envie de retrouver ceux des maisons de retraite où elle a travaillé auparavant, mais veut aussi partir. Un peu plus loin, une employée qui vit seule avec trois jeunes enfants, n'est, elle, pas prête à prendre le risque que tout le monde soit licencié et souhaiterait rester.

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