Accueil Actu

Les Syriens de la Ghouta goûtent aux joies du marché après des années de siège

A la veille du ramadan, Oum Mohammed n'en revient pas de pouvoir faire ses courses. A Douma, ex-bastion rebelle aux portes de la capitale syrienne, les habitants retrouvent les joies du marché, après des années d'un siège asphyxiant.

"Mes enfants m'attendent à la maison, je vais me dépêcher de rentrer, j'ai acheté du beurre et de la halva" une confiserie orientale à base de sésame, se réjouit la quinquagénaire, des sacs remplis de provisions à la main.

Comme elle, ils sont des dizaines à se presser sur ce marché, organisé pendant quatre jours à Douma, à l'initiative du ministère du Commerce, peu avant le ramadan, mois de jeûne musulman.

Une scène atypique pour la plus grande ville de la Ghouta orientale, ex-fief rebelle reconquis à la mi-avril par le régime de Bachar al-Assad.

Les habitants ont vécu des semaines de bombardements meurtriers, mais aussi des années d'un siège étouffant, qui avait fait exploser le prix des biens de première nécessité et entraîné des pénuries de nourriture.

"Ma cuisine était vide, mais j'ai commencé à la remplir", raconte Oum Mohammed, vêtue d'un long niqab noir dissimulant son visage.

Autour d'elle, une foule d'hommes, de femmes et d'enfants se perd au milieu des étals qui proposent du yaourt, du café instantané, des détergents et des produits d'hygiène.

Aujourd'hui, les prix sont bien plus bas que durant les cinq années de siège, qui obligeait le recours à la contrebande. Les quelque 400.000 habitants de la région n'avaient alors d'autre choix que de payer le prix fort pour ces denrées difficilement acheminées.

- "Comme la drogue" -

"Cela fait des années que je n'ai pas vu ça", s'extasie Hassan Saryoul, en examinant une boîte de mouchoirs en papier.

"Ces mouchoirs c'était comme la drogue, c'est comme s'ils étaient interdits", ironise le quadragénaire. "Un kilo de sucre coûtait 22.000 livres syriennes (environ 40 dollars), maintenant il est à peu près à 500 livres (1 dollars)", confie-t-il à l'AFP.

Lui aussi croule sous le poids des provisions dans les sacs qu'il agrippe fermement dans ses mains. "Si je pouvais en porter plus, je l'aurais fait", lance-t-il avant de se frayer difficilement un chemin à travers la foule d'acheteurs.

Près d'une quarantaine d'entreprises participent à ce "festival du shopping" du ministère du Commerce, deuxième initiative du genre après un marché récemment organisé dans la localité de Kafr Batna.

Six marchés similaires doivent se tenir dans la Ghouta pendant le mois du ramadan, traditionnellement marqué par une frénésie de la consommation dans le monde arabe, même si les repas restent plus modestes dans la Syrie en guerre depuis 2011.

Contrôlée par la rébellion depuis 2012, assiégée depuis 2013, la Ghouta orientale a finalement été reconquise dans son intégralité à la mi-avril, au terme d'une offensive militaire d'une rare violence menée par le régime et son allié russe.

- "Acheter dix fois plus" -

Sur son étal, Raed Zabadina remplit les sacs des clients impatients venus acheter de la lessive, de l'eau de javel et du shampoing.

"C'est normal qu'il y ait autant de monde pour les détergents. Une grande boîte coûte aujourd'hui 500 livres syriennes, alors qu'avant le prix atteignait 3.000 livres pour une petite", explique-t-il.

"Pas tout le monde pouvait se permettre de payer cette somme", ajoute-t-il.

Les vendeurs vantent les mérites de leur marchandise pour attirer les badauds. Dans le pays en guerre, les stands de chocolats restent déserts au profit surtout des produits de première nécessité.

Mohamed al-Hafi, 31 ans, peut à peine souffler face à l'afflux des clients, heureux de retrouver le goût du café instantané.

"J'ai dû fermer la porte à cause de la foule. Ici, les gens veulent acheter dix fois plus qu'à Damas, parce qu'ils ont énormément besoin de nourriture et d'autres biens", souligne-t-il.

Mis à part cette parenthèse consumériste, la ville de Douma continue d'offrir un bien triste spectacle. Les rues restent envahies par des carcasses de voitures calcinées, bordées d'immeubles éventrés.

Mais désormais le drapeau officiel de la Syrie a été accroché partout. Tout comme les portraits du président Bachar al-Assad.

À lire aussi

Sélectionné pour vous