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Libye: après 30 ans d'attente, lancement imminent d'un transport public à Tripoli

Plus d'une trentaine de bus flambant neufs patientent dans un hangar du centre de Tripoli, en attendant le lancement du premier service public de transport urbain depuis plus de 30 ans dans la capitale libyenne.

Importés de Chine, ils doivent faire leur première sortie cette semaine à Tripoli, qui vit depuis près de six mois au rythme de combats meurtriers dans sa banlieue entre les forces de l'homme fort de l'est libyen, Khalifa Haftar, et celles loyales au gouvernement d’union nationale (GNA), soutenu par l'ONU.

Equipés du Wi-Fi et de la climatisation, quelque 35 autobus modernes, bleus et blancs, doivent couvrir 20 dessertes: de Janzour, à 15 km à l'ouest de Tripoli, jusqu'à Tajoura, à une dizaine de kilomètres à l'est de la capitale, ou encore la "Route de l'Aéroport", à 25 km au sud de la ville.

La société publique al-Sahem ("La flèche", NDLR) espère réhabituer les Tripolitains aux transports en commun pour désengorger les routes de la capitale, dont les quartiers s'étalent le long de la côte.

Les distances sont de plus en plus longues et les moyens de transport privés, dont la plupart sont obsolètes et délabrés, ne couvrent plus les besoins des Tripolitains, assure Aboubakr Qormane, patron de la société al-Sahem.

"Il est urgent de rétablir les services de transports en commun à Tripoli, qui souffre de leur absence", dit-il à l'AFP.

La mise en place de bus urbains "cible en priorité les travailleurs qui ont le plus besoin de transport public (...), ce qui réduira les embouteillages aux heures de pointe", explique-t-il.

Chaque jour, Mohamad al-Bouzedi fait l'aller-retour dans des minibus ou taxis vétustes entre sa résidence de Janzour et Tripoli, où se trouve sa boutique de vêtements.

"Il n'y a pas de transport en commun à Tripoli depuis des décennies. (...) Le projet est très utile", se félicite Mohamad al-Bouzedi, dont le trajet de 30 km est souvent marqué par pannes et embouteillages.

"Des autobus neufs et modernes me permettront de rejoindre ma boutique en moins de temps. J'ai hâte", dit-il.

Jusqu'à présent, outre les berlines coréennes ou japonaises qui servent de taxis, il n'y a que des minibus privés vétustes --appelés à Tripoli "Iveco", du nom de leur marque--, qui relient les principaux axes routiers tripolitains.

L'accord signé avec King Long, le constructeur chinois des bus, prévoit l'importation sur deux ans de 145 véhicules pour 13 millions de dollars, selon le patron d'al-Sahem.

Le choix de Tripoli comme ville-pilote pour ce projet "est tout à fait logique", estime M. Qormane. "Un tiers de la population libyenne vit à Tripoli et ses routes ne présentent pas de gros problèmes, sinon le non respect du code de la route", note-t-il.

Après "le bus de ville", l'entreprise, dont le siège social est à Tripoli, compte lancer un projet de transport interurbain reliant notamment les villes enclavées dans le vaste sud désertique d'un pays qui s'étend sur plus de 1,7 millions de km2.

- Insécurité -

L'insécurité liée aux combats dans certains secteurs autour de Tripoli pourrait cependant faire échouer le projet de bus urbains, s'inquiète le boutiquier Mohamad al-Bouzedi.

"La situation aux abords de Tripoli, surtout en banlieue sud, est mauvaise. Les tirs de roquettes aveugles sont imprévisibles. Ce serait dramatique si une roquette tomait sur un bus transportant une quarantaine de passagers", craint-il.

Autre obstacle à ce que certains appellent déjà les "bus de la ville": les embouteillages qui congestionnent sévèrement la plupart des routes à Tripoli et auxquels ils ne pourront échapper.

Dans une Libye riche en pétrole où le prix du carburant (environ 0,10 dollar le litre) est moins cher que l'eau minérale, chaque foyer a en moyenne deux ou trois voitures.

Rien qu'à Tripoli, le nombre de voitures privées a plus que triplé en près d'une décennie, passant de 600.000 en 2010 à deux millions en 2019. Et si l'on inclut les taxis et minibus des transports urbains et de la fonction publique, Tripoli compte trois millions de véhicules pour deux millions d'habitants.

Enfin, si le "bus de ville" est une aubaine pour la plupart des citadins, certains chauffeurs de taxis privés voient son arrivée d'un mauvais oeil en raison du futur manque à gagner.

Ainsi, Abdel Mohaymen sera peut-être forcé de vendre sa voiture si ses clients préfèrent le bus, confie-t-il.

"Nombreux seront affectés par ce projet (...) même s'il permettra de réduire les embouteillages et la durée des trajets", regrette ce chauffeur de taxi.

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