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Mai 68 vu par l'AFP - A la Bourse : Allez-y les gars, cassez tout !

Le 24 mai 1968 au soir Paris est survolté et en proie à des heurts violents quand vers 22H un groupe de manifestants arrive aux abords de la Bourse et constate avec effarement qu'elle est vide et non gardée.

L'occasion est trop belle...

Deux heures auparavant Charles de Gaulle a annoncé aux Français un referendum en juin "sur la rénovation", qui débouchera sur son départ si le "non" l'emporte. "Adieu de Gaulle, Adieu", chantent en réponse des manifestants. Cette nuit-là, on comptera 447 blessés civils, dont 178 hospitalisés, et deux morts, un jeune homme touché par un projectile à Paris et un commissaire de police renversé par un camion-benne lancé par des manifestants à Lyon.

Le journaliste de l'AFP, également située Place de la Bourse, n'a qu'à traverser la rue pour observer de plus près l'assaut sur le Palais Brongniart. Voici son récit:

L’attaque de la Bourse

PARIS, 24 mai 1968 (AFP) - "Allez-y les gars, cassez tout, c’est le temple du capitalisme". D’abord hésitants, puis s’enhardissant peu à peu dans l’excitation des cris, des ordres, des injures et du bruit des vitres à chaque moment plus nombreuses qui volent en éclats, les manifestants prennent d’assaut le vénérable édifice. Il est près de 22 heures. Sur la place ils sont quelque trois mille étudiants, les drapeaux rouges et noirs surgissent. Beaucoup sont casqués, armés de barres de fer, de couvercles de poubelles. Les deux tendances s’affrontent, les discussions sont violentes. Les modérés veulent entraîner les autres au Quartier latin, mais une minorité est là, bien décidée à tout casser. Et parmi elle, peu d’étudiants mais des individus âgés d’une trentaine d’années, certains habillés d’une salopette, des voyous aussi...

Aux premières vitres brisées, des cris "Arrêtez", et aussi des bravos s’élèvent de la place. Des membres du service d’ordre de l’UNEF (syndicat étudiant,ndlr)tentent de s’interposer, mais sont bientôt dépassés. Des madriers prélevés sur un chantier voisin servent à enfoncer une porte. Lorsqu’elle cède c’est une ruée. En hurlant, une horde d’une centaine de déchaînés se précipite et c’est le saccage.

Les barres de fer brisent, défoncent. Des cabines téléphoniques, puis la fameuse salle "la corbeille" sont mises à sac. Les panneaux de cotation sont arrachés. Des manifestants montent dans les étages, brisent de grandes vitres qui donnent tout autour de "la corbeille".

Le concierge, M. Eugène Pot, et sa femme, tremblants de peur, s’enfuient.

Des cris s’élèvent : "Les CRS arrivent". C’est l’affolement. La fuite éperdue. Mais quelques-uns rassemblent des cageots, des chaises et mettent le feu. Et pendant quelques minutes les flammes s’élèvent illuminant le péristyle, tandis qu’au loin retentissent les sirènes des pompiers.

AFP

Après l’incendie à la Bourse de Paris

PARIS, 25 mai 1968 (AFP) - Une vingtaine de cabines téléphoniques brûlées, de nombreuses fenêtres brisées, un poste du circuit intérieur de télévision réduit en miettes, tel est le bilan sommaire de l’incendie qui a ravagé, la nuit dernière, la Bourse de Paris après le passage des manifestants.

Il est assez difficile d’évaluer le montant des dégâts, alors même que des ouvriers s’emploient actuellement à dégager les planches et boiseries calcinées. Ceux-ci ne semblent pas devoir être très importants et ne devraient pas dépasser quelques centaines de milliers de francs.

Une des parties qui représente le plus de valeur, le système de cotation électronique, a en effet été épargnée par l’incendie. Le feu est d’ailleurs resté concentré dans le hall d’entrée, là ou les boxes des représentants de banques, sociétés financières ou agents de change, s’alignent en rangs serrés.

La traditionnelle corbeille, où chaque jour, en temps ordinaire, les agents de change discutent du cours à attribuer à quelques unes des grandes valeurs françaises, a conservé son aspect ordinaire, l’incendie ne s’étant guère propagé dans la salle où s’effectuent les cotations. De même, une horloge de quatre mètres de haut, construite sous la restauration en 1828, continue, au premier étage, à égrener les secondes. A l’entrée de la Bourse, un tronc pour les pauvres a été épargné par les manifestants.

Finalement tout cela n’empêchera pas la Bourse de fonctionner normalement, a indiqué un responsable de la chambre syndicale des agents de change.

AFP/jba/vdr/kp

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