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Marseille: le "McDo" de Saint-Barthélémy est toujours vivant

Leur combat a fait la Une du New York Times: pour sauver leurs emplois, les salariés du McDonald's de Saint-Barthélémy, dans les quartiers nord de Marseille, ont entamé un bras de fer avec le géant américain. Un an après, ils tiennent toujours.

"Oui, il y a un McDonald's français qui est apprécié (par son personnel)", titrait le NYT en septembre au sujet de ce conflit entamé à l'été 2018, quand Jean-Pierre Brochiero, franchisé du N°1 mondial de la restauration rapide, annonce vouloir céder ses six fast-foods marseillais.

Cinq sont promis à un autre franchisé, Mohamed Abbassi. Le dernier, celui de Saint-Barthélémy, abandonnerait l'enseigne McDonald's pour celle d'Hali Food, une société tunisienne inconnue. Objectif: faire du halal +asiatique+.

Pour Me Ralph Blindauer, l'avocat des salariés, "ce n'est qu'une stratégie anti-syndicale pour se débarrasser du village gaulois qui dérange". Car à +Saint-Barth+, les CDI sont fréquents (51 CDI sur 81 salariés fin mai), dans un monde McDonald's où CDD et temps partiels sont privilégiés. Et la cible serait Kamel Guemari, délégué du personnel FO, arrivé dans ce McDo en 1998, à 16 ans, désormais sous-directeur.

En mai 2019, les extraits d'une conversation entre Christophe Chapuis, alors vice-président Régions de McDonald's France, et un représentant du personnel d'un autre McDo marseillais, fuitent dans la presse: "Moi, le seul que je veux plus dans le truc, c'est Kamel, (...) on cherche à se débarrasser de Kamel", déclare M. Chapuis.

Dans un communiqué à l'AFP, le 7 juin, McDonald's France dénonce de "pseudos extraits d'enregistrements dont personne ne connaît l'origine, l'authenticité, l'intégrité ou encore la véracité". "M. Chapuis a déposé plainte pour diffamation", insiste son avocate.

- Pas qu'un fast-food -

Quant à la vente du McDo de "Saint-Barth", elle a fait long feu. Le 7 septembre 2018, le juge des référés valide la cession des cinq restaurants à M. Abbassi, mais le dossier Hali Food est retoqué, ne présentant aucune viabilité "à brève et moyenne échéance".

Dix mois plus tard, le fast-food de Saint-Barthélémy est donc toujours un McDonald's. Mais sa santé financière est vacillante: 992.000 euros de pertes en 2018, après 3,3 millions de pertes depuis 2009.

Pour les salariés, la faillite est organisée. "Rien n'est fait pour augmenter le chiffre d'affaires, accuse Kamel Guemari. Pas de 2e piste +drive+, pas de livraisons à domicile. Pendant un an, nous avions même disparu de l'application McDonald's !"

Depuis septembre 2018, le franchisé affirme que ce McDo n'est pas viable, sauf à réduire la masse salariale de 400.000 euros. En mai dernier, un plan de réorganisation est présenté, avec sept licenciements à la clef. Parmi eux, M. Guemari, mais aussi Aïcha Zoghlami, agent de maîtrise, embauchée en 1992, quelques semaines après l'inauguration du McDo par Martine Aubry, alors ministre du Travail. "Je n'ai même plus le courage d'en parler", lâche-t-elle, d'une voix lasse.

Mi-juin, six licenciements sont effectifs. Reste celui de M. Guemari, qui doit être autorisé par l'Inspection du travail. Le rendez-vous est calé ce 21 juin. Via son avocat, il a fait savoir à McDonald's France, co-propriétaire à 50-50 du restaurant, qu'il acceptait de baisser son salaire de 30%, voire jusqu'au SMIC.

"Ce n'est pas mon job que je défends, c'est ce pour quoi nous nous sommes battus", explique-t-il, en listant les avantages obtenus à "Saint-Barth", le 13e mois au bout de 12 mois, ou la mutuelle prise en charge à 95% par l'employeur, entre autres.

D'où son refus de céder à l'offre qui lui a été faite, "700.000 euros pour partir". "Mais 700.000 euros c'est rien pour eux", explique-t-il: "Un 13e mois, c'est 150.000 euros par restau. Imaginez que ce soit généralisé aux 1.500 McDo de France..."

Si les salariés de Saint-Barthélémy se battent, c'est "pour éviter un petit frère de Florange", dans des quartiers en manque d'emplois, selon la sénatrice socialiste Samia Ghali, élue de la ville.

Mais ce McDo n'est pas qu'un fast-food. Le 4 juin, jour de l'Aïd el-Fitr, c'est là que les familles du quartier sont venues fêter la fin du ramadan. C'est là qu'on fête les anniversaires des enfants. "Ici, c'est la place du village, la place de l'Eglise", explique Salim Grabsi, un syndicaliste des quartiers populaires de Marseille: "McDo a remplacé le couscous".

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