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Mauvaise passe pour l'économie japonaise après deux ans de croissance

L'économie japonaise a subi un revers au premier trimestre après une série exceptionnelle de deux ans de croissance ininterrompue, une déconvenue néanmoins temporaire de l'avis des analystes.

Le Produit intérieur brut (PIB) s'est contracté de 0,2% entre janvier et mars 2018 sur fond de consommation des ménages morose et de repli surprise des investissements des entreprises, selon des données préliminaires publiées mercredi par le gouvernement.

Ce chiffre "marque le premier déclin depuis le quatrième trimestre 2015 et met un terme à la plus longue période d'expansion depuis la fin des années 1980", lors de la bulle immobilière et financière au temps d'un Japon tout-puissant, a réagi Capital Economics dans une note.

Le rythme de croissance s'était essoufflé au fil des derniers trimestres, avec une hausse de 0,7% début 2017, puis de 0,5% aux deuxième et troisième trimestres et enfin de seulement 0,1% en fin d'année.

Pour autant, les économistes restent confiants, voyant là "une contraction temporaire".

"Il y a eu une conjonction de facteurs ponctuels, allant d'un recul des marchés boursiers à une hausse des prix des légumes du fait du mauvais temps", a commenté Takeshi Minami, de l'institut de recherche Norinchukin, interrogé par l'AFP.

- "Etat d'esprit déflationniste" -

Après ce petit creux, un rebond se profile, prédit-il, invoquant une conjoncture mondiale "dans l'ensemble favorable, malgré quelques inquiétudes liées aux marchés émergents".

Le redressement va se poursuivre, a également insisté le ministre de l'Economie, Toshimitsu Motegi, selon une déclaration rapportée par l'agence financière Bloomberg, même si un ralentissement est attendu après une croissance de 1,7% en 2017.

Si l'optimisme n'a pas disparu, la troisième économie du monde, minée par la déflation pendant deux décennies, reste confrontée à une consommation des ménages désespérément poussive, souligne Junko Nishioka, de la Sumitomo Mitsui Banking Corporation.

Le gouvernement de Shinzo Abe et la Banque du Japon (BoJ), qui oeuvrent de concert depuis 2013 via la stratégie de relance "abenomics", espèrent depuis longtemps que la tendance positive concernant les salaires "finira par avoir un impact sur les dépenses", mais en réalité les Japonais restent très frileux.

Ils préfèrent économiser, inquiets pour leurs retraites et dépenses médicales futures face à la dette colossale du pays, décrypte-t-elle.

Dans ce contexte, elle s'alarme des répercussions de la prochaine augmentation de la TVA, prévue en octobre 2019. La précédente hausse, en avril 2014, avait plongé l'archipel en récession et le scénario risque de se répéter.

Dans un discours prononcé la semaine dernière, le gouverneur de la BoJ, Haruhiko Kuroda, avait de nouveau déploré "un état d'esprit déflationniste profondément ancré". "Changer cet état d'esprit va prendre du temps", avait-il insisté, alors que l'inflation a ralenti en mars à 0,9%, loin de l'objectif affiché de 2%.

Après avoir dû repousser à maintes reprises l'échéance qu'elle s'était fixée pour l'atteindre, la banque centrale a finalement enlevé la référence à 2019/20 dans son rapport publié fin avril.

- Risques protectionnistes et géopolitiques -

Autre ombre au tableau, les menaces protectionnistes du président américain qui pourraient peser sur les exportations, principal moteur de croissance pour un Japon très dépendant du commerce extérieur.

"Les discussions entre les Etats-Unis et la Chine", et les attaques commerciales de Donald Trump contre l'excédent commercial nippon sont "une préoccupation majeure pour l'industrie du pays, en particulier pour le secteur automobile", relève Mme Nishioka.

"Les risques géopolitiques, autour de la péninsule coréenne et du Moyen-Orient, doivent également être pris en compte", ajoute-t-elle, car "ils peuvent conduire à une appréciation du yen", néfaste pour les groupes exportateurs japonais.

Tout dépendra aussi de l'avenir politique du Premier ministre Abe, très apprécié des milieux d'affaires. Il a récemment été affaibli par une série de scandales, qui met en doute ses chances de remporter l'élection à la tête de son parti organisée début septembre.

"Un changement de régime politique ne se traduirait pas forcément pas un changement de politique" économique et monétaire, note Cameron Umetsu, de Mizuho Securities, mais la politique ultra-accommodante de la BoJ est "devenue tellement indissociable des abenomics qu'il serait tout à fait normal que les marchés s'interrogent sur sa pérennité sous un nouveau Premier ministre".

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