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Mercosur, CETA: la commissaire européenne au Commerce en croisade contre les infox

Les agriculteurs et les écologistes opposés aux accords commerciaux de l'UE sont victimes de "rumeurs" et de "fausses interprétations" délibérées, estime la commissaire européenne au Commerce, Cecilia Malmström, dans un entretien à l'AFP.

Après cinq ans à l'un des postes les plus stratégiques de la Commission, pendant lesquels deux accords majeurs, avec le Japon et le Canada --le CETA--, sont entrés en vigueur, la Suédoise cédera son fauteuil fin octobre.

Mais avant de raccrocher, elle a annoncé fin juin un nouvel accord, avec les pays du Mercosur (Brésil, Argentine, Uruguay, Paraguay), après 20 ans de négociations, l'un des plus vastes jamais conclu par l'UE.

Un succès dans le contexte commercial mondial, troublé par le président américain Donald Trump, mais qui s'accompagne de vives critiques, désormais inévitables dans l'UE, sur les conséquences du texte pour l'environnement et l'agriculture européenne.

"Certains n'ont pas vraiment lu cet accord et partagent des rumeurs, de fausses interprétations qui font peur aux gens", leur répond Mme Malmström.

"L'accord avec le Mercosur a été reçu avec beaucoup de satisfaction dans la plupart des pays", insiste-t-elle. D'autres "ont exprimé de l'inquiétude, c'est normal, on est là pour essayer de comprendre."

Elle jure que l'UE "ne sacrifie pas l'agriculture dans cet accord", à propos du quota annuel de 99.000 tonnes de viande bovine à droits de douane réduits accordé aux Sud-américains, qui ont cristallisé les critiques.

"C'est vraiment minuscule. Ca ne menace aucunement le secteur bovin", assure-t-elle, rappelant que l'UE consomme chaque année 8 millions de tonnes de boeuf.

- "Pression" -

Face à ceux qui estiment que l'UE encourage une concurrence déloyale en raison des écarts entre les normes de production exigées des agriculteurs européens et ce qui est toléré dans le Mercosur, elle reconnait qu'on "ne peut pas forcer un autre pays à adopter des lois".

Et d'ajouter: "En regardant les vaches et les boeufs qui passent toute leur vie dans la pampa, il y a aussi des situations où c'est bien meilleur qu'en Europe..."

Reste que la politique du président brésilien d'extrême droite Jair Bolsonaro, très favorable à l'agro-business, avec recours massif aux pesticides et déforestation à la clé, inquiète aussi les écologistes, aujourd'hui vent debout contre le traité.

"Faire un accord commercial avec les quatre pays du Mercosur ne signifie pas que nous sommes d'accord avec toutes les politiques de ces pays dans tous les domaines. Mais c'est une manière d'ancrer le Brésil dans l'accord de Paris" sur le climat, qu'il menaçait de quitter, tranche-t-elle. "Le président Bolsonaro a fait son choix. Il est venu avec nous."

Elle se félicite aussi d'un mécanisme de l'accord qui permettra à un panel d'experts de publier des recommandations si le chapitre consacré au "développement durable" n'est pas réellement mis en place par l'une des deux parties.

"L'UE ne peut pas envoyer de policiers. Mais on peut activer ce mécanisme de consultations", explique la Suédoise de 51 ans.

"Ce sera un moyen de pression. Est-ce que ça permettra vraiment de résoudre le problème ? Je l'ignore. Mais ce sont les outils que nous avons", ajoute-t-elle.

- "pas d'accord" avec Hulot -

Libérale convaincue, la commissaire n'est "pas du tout d'accord" avec l'ancien ministre français de la Transition écologique, Nicolas Hulot, pour qui le libre-échange "est à l'origine de toutes les problématiques écologiques".

"Si deux partenaires font du commerce et qu'il faut transporter un produit, il y a un impact (environnemental, ndlr). Et tant que tous les produits (...) ne sont pas fabriqués dans le village d'à côté, il y aura du commerce", explique-t-elle.

"Ce qu'il faut, c'est travailler ensemble pour minimiser l'impact des transports", poursuit Mme Malmström.

En France, un autre accord est aujourd'hui au centre de l'attention: celui avec le Canada, soumis mercredi au vote de l'Assemblée nationale et critiqué pour les mêmes raisons que le Mercosur.

Evoquant les effets de l'accord depuis son entrée en vigueur provisoire il y a deux ans, elle remarque que "le ciel ne nous est pas tombé dessus !"

Et le boeuf canadien, particulièrement craint par les producteurs européens, n'a pas envahi les étals. Sur un quota de 65.000 tonnes accordé au Canada, seuls "1% ou 2%" ont été utilisés.

L'accord a même "été très bon pour la France. Les exportations agricoles, des machines, de la chimie ont pas mal augmenté", affirme-t-elle, ne voyant aucune justification à un rejet du texte.

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