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Michael Calvey, "patriote russe" emprisonné pour fraude

Entre crises économiques, luttes politiques et tensions diplomatiques, Michael Calvey navigue depuis 25 ans en eaux troubles pour investir en Russie, maintenant de bonnes relations avec le Kremlin. "Patriote russe" contre vents et marées, cet Américain s'y trouve aujourd'hui derrière les barreaux.

Le créateur du fonds Baring Vostok, qui clame son innocence, est inculpé pour une fraude d'au moins 2,5 milliards de roubles (environ 33 millions d'euros) à l'encontre de la banque Vostotchny. L'affaire a créé un choc dans les milieux financiers russes, pourtant rompus aux conflits commerciaux ou luttes d'influence qui se règlent devant les tribunaux et se terminent en brusques disgrâces de businessmen réputés intouchables.

Malgré les appels à le placer en résidence surveillée lancés par les plus grands noms de la finance russe, la justice russe a décidé jeudi de maintenir en détention provisoire l'investisseur de 51 ans.

Marié à une Russe et amateur de Tolstoï, ce financier originaire du Midwest américain fait partie de ces investisseurs étrangers qui sont restés en Russie malgré les tensions toujours plus vives entre Moscou et les Occidentaux, Washington en tête. Il a maintenu un contact étroit avec les autorités et rencontré à plusieurs reprises Vladimir Poutine.

"Il a dit être innocent, il a dit être un patriote russe", a indiqué à l'agence Interfax Evguéni Ekinfeev, membre d'une commission de surveillance des prisons après l'avoir rencontré au centre de détention Kremliovski Tsentral.

Créé peu après l'apparition de l'économie de marché, son fonds a contribué à l'entrée d'investissements étrangers représentant plusieurs milliards de dollars en Russie, dans un contexte parfois chaotique.

"C'est une des grandes leçons de ces dernières 20 années: des crises périodiques sont inévitables dans les marchés émergents" et représentent souvent "les meilleures opportunités", assurait Michael Calvey dans un entretien publié en 2013 sur le site de l'EMPEA, une association financière spécialisée dans les marchés émergents.

Il jugeait alors la Russie "irrationnellement impopulaire auprès des investisseurs: "Ce n'est pas un paradis, bien sûr, mais il n'existe aucun paradis de l'investissement dans le monde. Je pense que les perceptions de la Russie reposent principalement sur de nombreuses autres variables, notamment la politique extérieure".

- Aucun doute sur la Russie -

Michael Calvey a grandi dans l'Oklahoma, dans le Midwest des Etats-Unis, où son frère, vétéran de la guerre en Irak, est un membre actif du Parti républicain.

Passé par la prestigieuse London School of Economics (LSE), il a travaillé à Londres et New York, pour la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (Berd), créée pour favoriser la conversion du bloc socialiste à l'économie de marché, ainsi que pour la banque d'affaires Salomon Brothers, où il était spécialisé dans les fusions et acquisitions de l'industrie du pétrole et du gaz.

Le pétrole et le gaz, la Russie en dispose justement énormément sous son sol et la chute de l'URSS fin 1991 a ouvert l'accès pour les investisseurs.

En 1994, il s'installe à Moscou et créée Baring Vostok dans un contexte d'économie en ruines et de Far West économique. Une poignée d'hommes se partage le gâteau industriel soviétique: c'est l'apparition des oligarques.

"Pendant les quatre premières années d'existence de notre groupe, le PIB de la Russie a chuté d'environ 40-50%", se souvenait-il en 2013. Baring Vostok, expliquait-il alors, investit ses premiers fonds "pour deux tiers dans d'anciennes entreprises soviétiques privatisées, et environ un tiers dans de nouvelles entreprises privées".

Son fait d'armes le plus "mémorable" reste Yandex, "success story" de l'internet russe: Baring Vostok investit cinq millions de dollars à ses débuts dans le groupe, qui pèse aujourd'hui plus de 10 milliards de dollars à la Bourse de New York.

Dans tous les milieux économiques, les éloges envers sa "probité" et son "professionnalisme" se sont multipliés depuis son arrestation, dénoncée comme excessive et résultant d'un règlement de compte.

"Il n'y a pas de plus grand patriote", a renchéri le représentant des entrepreneurs auprès du Kremlin, Boris Titov, après l'avoir rencontré en prison. "Il ne doute d'aucun de ses mots prononcés: il faut venir investir dans l'économie russe, car c'est un pays, une juridiction, une économie très attractifs".

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