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Michelin ferme une usine en Allemagne, inquiétudes en France

Fermeture d'une usine en Allemagne, inquiétudes pour l'avenir d'un site dans l'Ouest de la France: la concurrence des pneumatiques à bas coûts venus de Chine pousse le manufacturier Michelin à réduire ses capacités en Europe.

Le groupe français a annoncé mercredi la fermeture d'ici à 2021 de son usine de Bamberg (sud de l'Allemagne) qui emploie 858 salariés pour produire des pneus de voitures. Le même jour, le président de la société Florent Menegaux a reconnu que l'usine de La Roche-sur-Yon (Vendée), spécialisée dans les pneus pour poids lourds, était "dans une situation très préoccupante" alors que ses 650 salariés s'inquiètent pour leur avenir.

Si les deux sites s'adressent à deux marchés très différents, ils ont en commun la pression exercée par de nouveaux concurrents chinois qui submergent l'Europe de produits à bas coûts. Malgré son positionnement haut de gamme et des résultats financiers qui restent très bons, le groupe au Bibendum est contraint d'abandonner des parts de marché.

Le site de Bamberg, créé en 1971, "produit majoritairement des pneumatiques premium pour les véhicules de tourisme de dimension 16 pouces, un segment de marché qui se caractérise à la fois par une forte baisse de la demande globale et par une concurrence extrêmement forte des fabricants asiatiques", a expliqué le groupe dans un communiqué.

Il affirme s'efforcer de limiter l'impact pour les salariés. "Michelin proposera un dispositif complet et personnalisé pour chacun des employés du site", notamment "des mesures de départs anticipés à la retraite, ainsi que des mesures d'aide à la mobilité interne et externe" et a provisionné environ 167 millions d'euros pour financer l'opération.

- "Peur pour l'avenir" -

"C'est une honte absolue", a répliqué auprès de l'AFP Sascha Spörl, représentant du syndicat allemand IG BCE (Mines, chimie, énergie). Selon lui, Michelin s'était engagé sur le maintien de ce site de Bamberg jusqu'en décembre 2022. "C'est une rupture de contrat", a-t-il estimé, ajoutant qu'une "procédure juridique" allait être envisagée contre Michelin.

La stratégie de Michelin en Europe de l'Ouest est d'évoluer vers le haut de gamme, et notamment les pneumatiques de plus de 17 pouces, alors que la taille des pneus de voitures a tendance à grandir en Europe. A Bamberg, 60 millions d'euros ont été investis pour développer ces gammes de pneus, qui représentent désormais la moitié des volumes du site, mais les efforts d'adaptation n'ont pas suffi.

Une porte-parole du manufacturier de Clermont-Ferrand, jointe par l'AFP, a expliqué que des alternatives à la fermeture avaient été envisagées : poursuivre la production des pneus de plus grande taille à Bamberg, qui représentaient la moitié des volumes, mais ceux-ci auraient été trop faibles pour être compétitifs; ou bien affecter la totalité des capacités à ces produits, mais le groupe n'avait pas de débouchés pour de tels volumes.

"Nous ne sommes pas surpris. Ce n'est que le début et l'annonce de la fermeture du site de La Roche-sur-Yon ne devrait malheureusement pas tarder. La direction dit qu'elle n'a pas de solution, mais sans dire ses intentions réelles pour le moment", a réagi Michel Chevalier, délégué syndical central CGT.

"Quand le marché n'est pas là, les grands groupes décident de fermer pour ne pas être en surproduction. Cela nous fait peur pour l'avenir des sites en France et en Europe. On se pose la question de savoir comment avoir une industrie compétitive en Europe de l'ouest vis-à-vis des autres sites asiatiques et d'Europe de l'est", a estimé Laurent Bador, délégué syndical central CFDT.

De plus en plus d'automobilistes européens se tournent vers des produits premiers prix, sur lesquels des groupes asiatiques se sont spécialisés. Dans les pneus 16 pouces, l'entrée de gamme a progressé de 16% en dix ans, quand le haut de gamme a baissé de 20%, selon Michelin.

L'ancien patron du manufacturier Jean-Dominique Senard, désormais président de Renault, a résumé mercredi la problématique lors d'une audition à l'Assemblée nationale. "Entre 2012 et 2018, la part de marché des pneus chinois en Europe est passée de 5% à 30%", a-t-il alerté, soulignant le défi posé aux industriels.

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