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Mohed Altrad, le nouvel homme incontournable du rugby français

Premier sponsor maillot de l'histoire du XV de France, leader du Top 14 avec Montpellier et mêlés aux ennuis judiciaires du président de la Fédération Bernard Laporte qu'il a aidé à obtenir l'organisation de la Coupe du monde: Mohed Altrad est devenu omniprésent dans le rugby français.

Samedi lors de France-Irlande (13-15), son nom s'est affiché pour la première fois en grand sur le nouveau maillot bleu. Il y était déjà présent depuis le Tournoi des six nations 2017, mais sous une forme moins visible et provisoire, celle d'un soutien à la candidature pour l'organisation de la Coupe du monde 2023 que la France a obtenue en novembre.

Cette fois, c'est pour de bon. Jusqu'en 2023 justement, et pour au moins 35 millions d'euros, selon le chiffre communiqué par la Fédération française (FFR). Une broutille pour le milliardaire, 36e fortune de France selon le classement 2017 de Challenges (2,7 milliards d'euros) et président d'un groupe de matériel pour le bâtiment qui emploie 39.000 salariés et présente un chiffre d'affaires de 3,4 milliards d'euros.

Grâce à un recrutement de première classe (Cotter, Cruden, Picamoles, Serfontein), Montpellier, qu'il a sauvé de la ruine en en devenant l'actionnaire majoritaire en 2011, est invaincu à domicile - le stade Yves-du-Manoir rebaptisé... Altrad Stadium - et occupe la tête du Top 14. Le club peut rêver soulever enfin son premier bouclier de Brennus en juin.

"Je pense qu'il s'est pris au jeu parce qu'il y a une dimension émotionnelle et de compétition qui plaît au chef d'entreprise", estime le président du RC Toulon Mourad Boudjellal, contacté par l'AFP, au sujet de son homologue du MHR.

"C'est un président très discret mais on le sent présent", dit Benjamin Fall, interrogé par l'AFP. Selon l'international français, Altrad assiste à tous les matches, y compris à l'extérieur: "Il vient nous féliciter quand on a fait un bon match, et nous taper sur les doigts dans le cas contraire. Il sait trouver les mots justes pour piquer".

- 'Une poignée d'imbéciles' -

En apparence, tous les feux sont au vert pour l'homme d'affaires d'origine syrienne. Mais Altrad, en affichant sans précaution ses envies de suprématie dans le rugby français, "s'isole. Recherchez les appuis, il y en a pas beaucoup", prévient Alain Carré, président de Colomiers et de l'Union des clubs professionnels de rugby (UPCR).

L'affaire qui le lie à Bernard Laporte touche désormais l'informaticien de formation: le parquet national financier (PNF) ayant ouvert une enquête au sujet de pressions supposées du président de la Fédération pour diminuer des sanctions prises contre Montpellier, son domicile héraultais a été perquisitionné.

Mis à mal par la révélation de l'existence d'un contrat privé avec Laporte, Altrad se voit sommé en septembre de s'expliquer par les autres président du Top 14. "Je dérange une poignée d'imbéciles à Clermont, Pau, La Rochelle et Agen", déclare-t-il vertement.

"Ca ne s'est pas détendu depuis. Il ne fait rien pour arranger les choses", déplore Carré.

Les débuts d'Altrad dans le rugby français avaient été plus ronds. "Il avait voulu travailler au sein de la Ligue, les relations étaient bonnes. Je l'avais reçu à Colomiers. Il avait été longuement applaudi. Tout cela s'est délité dans le temps", se souvient Carré.

- 'Il s'en fout complètement' -

"Lui, il croit que les présidents lui en veulent, il a parlé de sentiments de jalousie, ça énerve les mecs. Quelqu'un qui a une fortune personnelle, entrepreneuriale, et verse de l'argent sur le rugby, je n'ai rien contre cela, mais il y a une manière de le faire. Quand Mohed dit +je suis supérieur+, ce n'est pas bon. Il a beaucoup changé", estime celui qui est également le vice-président de la Ligue.

Dans cet isolement, Altrad peut compter sur un allié: Boudjellal. Le président du RC Toulon appelle fréquemment son homologue héraultais, "très gentil, qui parle doucement, à l'écoute, quelqu'un d'instruit" mais aussi "d'intransigeant".

"Il s'est construit dans le combat; les coups de la Ligue en ce moment, ça le fait rigoler", dit encore le président toulonnais. "Mohed est dénué de tout sentiment sur les pensées négatives que l'autre peut avoir sur vous. Il s'en fout complètement. C'est un serial killer du business; c'est une espèce de machine insensible à tout ce qu'il se passe autour de lui et juste programmée pour réussir". La fin de la saison lui donnera raison, ou pas.

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