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Moody's dégrade la note de l'Italie, s'inquiète de la dette

L'agence de notation Moody's a abaissé d'un cran vendredi la note de l'Italie, s'inquiétant des choix budgétaires de la coalition populiste au pouvoir, qui est déjà engagée dans un bras de fer avec Bruxelles à ce sujet.

Le gouvernement, formé de la Ligue (extrême droite) et du Mouvement 5 étoiles (M5S, antisystème), prévoit un déficit à 2,4% du PIB en 2019, contre 0,8% pour le précédent gouvernement, puis à 2,1% en 2020 (contre 0) et à 1,8% en 2021.

Or, l'Italie ploie déjà sous une dette de 2.300 milliards d'euros, qui représente quelque 131% de son PIB, le deuxième ratio plus élevé dans la zone euro.

Pour ne rien arranger, les prévisions de croissance du gouvernement sont jugées beaucoup trop optimistes (1,5% en 2019 contre 1% prévu par la plupart des observateurs, dont le FMI), ce qui pourrait encore aggraver le déficit et donc la dette.

Dans ce contexte, Moody's a décidé d'abaisser la note de l'Italie d'un cran, pour la faire passer de "Baa2" à "Baa3".

Cela signifie que le pays est rétrogradé au dernier niveau de la catégorie investissement --les émetteurs de qualité moyenne mais en mesure de faire face à leurs obligations de manière adéquate--, soit juste avant la catégorie spéculative (junk bonds).

Des sources au palais Chigi, citées par les agences italiennes, ont indiqué que "tout (était) comme prévu".

- Perspective stable -

Moody's a assorti sa note d'une perspective stable, signifiant qu'elle ne devrait pas dégrader cette nouvelle notation dans les six mois à venir. Une décision qui ne manquera pas d'être interprêtée avec un certain soulagement par le gouvernement et devrait éviter une flambée des marchés.

"Le ratio de dette publique de l'Italie va probablement se stabiliser autour de l'actuel taux de 130% du PIB dans les années à venir, plutôt que de commencer à diminuer comme Moody's le pensait" précédemment, indique l'agence dans un communiqué.

Elle note que la dette publique est d'autant plus problématique que les perspectives de croissance économique sont plus faibles.

"Les projets de mesures budgétaires et économiques du gouvernement ne constituent pas un agenda cohérent de réformes qui pourront permettre de résoudre les problèmes de croissance décevante", commente-t-elle.

La publication de Moody's n'avait pas été annoncée, l'agence ayant seulement indiqué qu'elle se prononcerait avant le 31 octobre.

Mais, a souligné Erik Nielsen, chef économiste à la banque italienne UniCredit, "les agences détestent être vues comme suivant les autres".

Moody's a donc décidé de griller la politesse à sa rivale Standard & Poor's, qui avait annoncé sa publication pour le 26 octobre.

Interrogé jeudi par l'AFP, Matthieu Grouès, responsable de la stratégie chez Lazard Frères Gestion, avait indiqué s'attendre à une baisse de la note italienne d'un cran de la part des deux agences, un scénario que Nicolas Véron, économiste aux instituts Bruegel à Bruxelles et Peterson aux Etats-Unis, a également jugé "très probable".

- Dérapage "sans précédent" -

Une dégradation d'un cran pourrait ajouter un peu de trouble, mais les deux analystes excluent toute grosse secousse sur le marché.

"Elle est déjà anticipée, donc ce ne sera pas, à mon avis, un très gros événement", a ainsi expliqué M. Véron.

"Si la baisse est d'un cran, les marchés ne bougeront pas, car ils l'ont totalement anticipée", a aussi souligné M. Grouès, qui estimait qu'en revanche une baisse accompagnée d'une perspective négative pourrrait tendre "un peu" la situation.

Le spread, le très surveillé écart entre les taux allemand et italien à dix ans, a déjà doublé de 150 à 313 points sur le marché secondaire depuis mi-mai, date du début des discussions entre la Ligue et le M5S pour former une coalition.

La Bourse de Milan a elle perdu 21,4%. Les banques, qui détiennent près de 400 milliards d'euros de dette italienne, ont été les premières victimes, le secteur perdant près de 35%.

Avec la dégradation de la note souveraine, un certain nombre de banques italiennes verront leur note baissée dans la foulée.

La politique budgétaire expansionniste de Rome a parallèlement suscité de vives critiques de la Commission européenne, qui a fait état d'un dérapage budgétaire "sans précédent" et pointé un risque de "non-conformité grave" avec les règles européennes.

Ceci pourrait l'amener à rejeter ce budget, ce qui serait une première dans l'histoire de l'UE.

Bruxelles a réclamé des "clarifications" à Rome avant lundi midi.

Un conseil des ministres est convoqué samedi.

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