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Mort de Rémi Fraisse: cinq ans après, famille et militants restent mobilisés

Cinq ans après la mort de Rémi Fraisse, tué lors d'affrontements avec la gendarmerie sur le chantier du barrage de Sivens (Tarn), un nouveau projet de retenue d'eau fait polémique, ses opposants dénonçant un "affront" à la mémoire du jeune militant.

L'anniversaire de sa mort, samedi, coïncide également avec l'acte 50 du mouvement des "gilets jaunes", pour qui le nom de Rémi Fraisse est encore associé au questionnement du maintien de l'ordre en France.

Le 26 octobre 2014, le corps du botaniste de 21 ans est découvert vers 02H00 du matin sur le site du barrage controversé de Sivens, après des affrontements violents entre les opposants au projet et les forces de l'ordre. Il sera avéré quelques jours plus tard que le jeune homme a succombé à l'explosion d'une grenade offensive tirée par un gendarme.

"Cinq ans plus tard, le souvenir est d'autant plus vif qu'un prétendu +projet de territoire+ entaché de dysfonctionnements remet le barrage de Sivens sous les projecteurs", affirme à l'AFP Camille --prénom générique des militants souhaitant garder leur anonymat-- du collectif de zadistes "Tant qu'il y aura des Bouilles" (zones humides).

Le projet initial retenu en 2012 avait provoqué une levée de boucliers des environnementalistes, opposés notamment à la destruction d'une zone humide. Il fut définitivement abandonné à la suite de la mort de Rémi Fraisse.

- "Meilleur compromis" -

Un nouveau projet d'irrigation dans la vallée du Tescou est aujourd'hui sur la table, et le 9 septembre, élus locaux, associations environnementales et agriculteurs se sont mis d'accord sur un schéma de principe actant le lancement d'une étude spécifique sur les besoins en eau de l'ensemble de la vallée et les différentes pistes pour y répondre, notamment la création d'une retenue sur le haut-bassin du Tescou.

"Le besoin en eau dans la vallée est avéré. Maintenant, il faut le quantifier", souligne auprès de l'AFP le président du Conseil départemental du Tarn, Christophe Ramond.

"Il y a eu un drame, et il est hors de question que l'on revive le même drame dans cette vallée", affirme-t-il, appelant tous les acteurs locaux à "trouver le meilleur compromis pour permettre à la fois le développement d'activités économiques et la préservation de la biodiversité et la richesse de la vallée".

Mais pour Camille, cette eau est destinée à "répondre aux besoins d'agriculteurs cultivant du maïs hybride, qui n'est plus adapté à nos régions".

Il dénonce par ailleurs "un affront fait à la mémoire de Rémi Fraisse" avec ce "barrage ou retenue, quelle que soit la dénomination qu'on lui donne".

Cet "affront", les proches du jeune homme le ressentent également avec l'ordonnance de non-lieu en faveur du gendarme rendue en janvier 2018 par les juges d'instruction. Dans ses réquisitions, le parquet avait estimé que le gendarme avait "effectué dans des conditions d'absolue nécessité et de stricte proportionnalité un lancer de grenade OF-F1".

"On ne peut pas tolérer qu'il n'y ait pas de procès public, on a aujourd'hui l'impression que la justice n'est pas rendue", a déclaré le 10 octobre le père de Rémi, Jean-Pierre Fraisse, à l'issue d'une audience à la Cour d'appel de Toulouse, au cours de laquelle l'avocat général a demandé également le non-lieu. Le délibéré sera rendu le 9 janvier.

La veille, l'ancien ministre de l'Intérieur, Bernard Cazeneuve --vivement critiqué à l'époque de la mort du jeune homme--, sortait son dernier livre "A l'épreuve de la violence", dans lequel il revient sur le drame.

- Un "échec" -

"C'est une tragédie pour le jeune garçon, pour son entourage, pour les militants écologistes, mais pour un ministre de l'Intérieur qui a vu monter les tensions, qui a donné des instructions pour qu'on n'arrive pas à cette tragédie qu'il a sentie venir et qu'il n'a pas réussi à l'éviter, oui c'est un échec", écrit-il.

Le décès du jeune homme aura eu pour conséquence l'interdiction définitive des grenades offensives quelques mois plus tard.

Mais pour l'une des avocates de la famille de Rémi Fraisse, Me Claire Dujardin, "aucune leçon n'a été tirée de ce qui s'est passé à Sivens".

Dans les manifestations des "gilets jaunes" notamment, "on assiste à une vraie dérive de la doctrine du maintien de l'ordre. On a l'impression que beaucoup d'unités spécialisées agissent sans forcément avoir reçu d'ordre, avec des cartes blanches pour tirer", accuse-t-elle, dénonçant "le nombre très élevé de manifestants mutilés, victimes de la violence policière et de l'usage d'armes".

Samedi, "la répression des mouvements sociaux et des classes populaires" sera au coeur de la journée souvenir à la mémoire de Rémi Fraisse, organisée par plusieurs collectifs de militants écologistes et les "gilets jaunes" du Tarn.

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