Accueil Actu

Nora Stephenson, 50 ans de militantisme pour la Guyane

A 68 ans, Nora Stephenson revendique "50 ans de militantisme" en Guyane: après de nombreux combats pour l'émancipation, l'équité et l'environnement, elle est l'une des figures du collectif "Or de question", opposé à l'exploitation massive des ressources de Guyane, qui a notamment obtenu l'abandon du grand projet minier Montagne d'Or.

Cette femme "bien enracinée", au regard fier, a participé à de nombreuses luttes: contre les fractures territoriales, pour l'égalité des chances à l'école, pour l'émancipation des femmes à travers la mise en place d'une garderie ou encore pour l'indépendance de la Guyane.

"J'ai toujours pensé que quand on fait ce qui est juste, et ensemble, c'est bien", explique la dame décidée à la voix douce. "Je vais, je me permets d'aller, dans tous les grands événements du pays, sans jamais m'encarter", explique celle qui était par exemple sur les piquets de grève en 2013 lors de la crise qui a secoué l'université des Antilles et de la Guyane, aboutissant à la création d'une université autonome en Guyane.

Aujourd'hui, c'est au sein du collectif "Or de question", créé contre le projet "Montagne d'Or", que cette enseignante à la retraite fait entendre ses positions écologistes. Et malgré la "petite victoire" de l'abandon du méga-projet minier qui prévoyait 8km2 d'exploitation au coeur de la forêt, elle reste vigilante et poursuit sa lutte contre tous projets industriels d'exploitation minière.

"L'extractivisme me dérange. Qu'il s'agisse du légal ou du clandestin, il faut tourner maintenant cette page de l'histoire guyanaise", presse Nora Stephenson, cheveux courts et boucles en graines de la forêt aux oreilles, depuis qu'elle a "arrêté de porter de l'or".

Elle et son mari, l'écrivain Elie Stephenson, s'opposent aux élus locaux et opérateurs miniers qui affirment bonifier la Guyane par l'exploitation de l'or. Cette position a valu au couple de multiples "accrochages" car "la question de la Montagne d'or divise les familles, les amis".

"C'est une inconditionnelle, très engagée car elle est passionnée pour notre pays. Elle dit toujours que le militantisme c'est sa vie", salue Eléonore Johannes, militante pour la réappropriation de la langue amérindienne kali'na, également opposée à l'implantation d'industries minières à Saint-Laurent du Maroni.

- "Vitrine mondiale" -

"Ce qui arrive au Brésil (déforestation et pollution par l'agro-industrie, les forestiers et les miniers, ndlr) se passe déjà ici, dans les rivières qui sont polluées par l'orpaillage illégal", déplore Nora Stephenson. "Des élus veulent aussi mettre d'autres grands barrages hydroélectriques. On ne peut pas faire ça et dire qu'on préserve la nature. Avec cette superbe biodiversité (...) nous pourrions être une vitrine mondiale mais ce n'est pas vers cela que nous allons."

Son positionnement énerve certains. "Ça fait 20 ans que j'entends qu'on va faire de la Guyane une vitrine pour l'environnement, mais il n'y a toujours rien de concret", objecte Gaston Yapana, un citoyen qui avait apporté un soutien appuyé à Montagne d'Or. "L'environnement est déjà détruit par les orpailleurs clandestins alors pourquoi ne pas en faire profiter les Guyanais pour créer de l'emploi par l'activité minière?", rétoque-t-il.

La rupture avec l'histoire coloniale française est le moteur de Nora Stephenson qui, en 2016, s'était déjà engagée aux côtés de l'association France Libertés pour dénoncer un brevet accordé à l’Institut de recherche pour le développement (IRD) qui avait utilisé pour cela, sans leur consentement, des savoirs traditionnels des populations autochtones de Guyane sur les vertus antimalariques d'une plante locale, le couachi.

Cette altermondialiste comptait aussi parmi les forces du mouvement social historique de mars 2017, qui paralysa la Guyane pour réclamer une amélioration des services publics et moins d'insécurité. Mais celle qui affirme que "le problème de la Guyane, c'est le gouvernement français", a pris ses distances du mouvement qu'elle ne trouvait pas assez revendicatif.

"Pour la première fois (...) le peuple guyanais était en masse dans la rue ; même si ce n'était pas pour les mêmes raisons. Il fallait exiger de l’État a minima d'entrer dans un processus d'autonomie. Chaque pays, chaque peuple, doit se diriger lui-même. Là, on a manqué le coche".

À lire aussi

Sélectionné pour vous