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Pays-Bas: les dégâts de séismes mettent de l'eau dans le gaz

Maîtres de la gestion de l'eau mais peu habitués aux sautes d'humeur de la terre ferme, les Néerlandais n'arrivent pas à se dépêtrer d'une situation unique: la gestion des dégâts de séismes à répétitions provoqués par l'extraction de gaz est un véritable casse-tête.

En mars, au moment où le ras-le-bol des habitants était à son paroxysme, le gouvernement néerlandais a annoncé la fermeture d'ici 2030 du plus grand gisement de gaz naturel de l'Union européenne, situé dans la région de Groningue, dans le nord du pays.

Les fissures et éboulements dans les maisons, écoles et bâtiments historiques ont eu raison des milliards d'euros engrangés par l'Etat grâce à de juteux contrats d'exportation de gaz, notamment avec la France et l'Allemagne.

Un immense grillage entoure le site de forage de Leermens, où les installations sont d'ores et déjà à l'arrêt, dans l'optique de 2030. Dans cette petite bourgade près de Groningue, il n'est pas rare que le sol tremble encore.

Des centaines de défenseurs de l'environnement ont récemment passé la nuit dans des tentes sur le site pour protester contre les forages dans la région, fréquemment secouée par des séismes de faible magnitude mais proches de la surface, provoqués par des poches de vide formées lors de l'extraction de gaz.

- Derniers soubresauts -

Malgré l'annonce de la fermeture du robinet, plus de 20 milliards de m3 seront encore extraits cette année. Ce chiffre s'élevait à 53,9 milliards de m3 en 2013.

"C'est encore loin, 2030, et d'ici là, la terre peut trembler de nouveau", prévient Bert-Jan Huizing, céréalier de 50 ans à Zeerijp, épicentre en janvier d'un séisme de magnitude 3,4 - le plus fort dans la région depuis 2012.

Ce jour-là, le producteur de pommes de terre, père de quatre enfants, se trouvait dans sa grange lorsque a tremblé sous ses pieds la terre travaillée par les ancêtres de son épouse depuis 250 ans.

Cet homme de grande taille et au crâne dégarni, conseiller municipal et président du club de football local, n'a eu à déplorer "que quelques fissures" dans la maison familiale.

Le quinquagénaire s'implique pour la communauté en copilotant un plan d'action pour la construction d'une nouvelle école. L'état de l'ancien bâtiment a été jugé trop dangereux par les experts, avec un risque d'effondrement en cas de nouvelles secousses.

Des logements préfabriqués sont également sortis de terre pour abriter temporairement les habitants dont les toits des maisons menacent de s'effondrer à la prochaine secousse.

- Menaces de démolition -

Tout ne peut être sauvé à Zeerijp.

Le seul bar du village, fermé à double-tour et bouclé par des grilles depuis le dernier séisme, est menacé de démolition. Cette grande bâtisse classée monument historique a "subi tellement de dégâts à cause des tremblements de terre qu'elle a été déclarée inhabitable", raconte M. Huizing.

"Des bâtiments, des maisons et des fermes où les habitants ne sont plus en sécurité, il y en a partout ici", poursuit-il auprès de l'AFP.

Le traitement des demandes de dédommagement de la population est un casse-tête qui "dépasse tout le monde", jusqu'au parlement, lâche l'agriculteur.

Avec des dizaines de collègues, il s'est rendu avec des tracteurs à La Haye en février pour plaider la cause des éleveurs, "confrontés à des fuites de leurs caves à fumier".

"Tout est en train de s'effondrer, notre héritage culturel, nos fermes, nos églises, et finalement aussi les gens", témoignait auprès de l'AFP Annemarie Heite, une agricultrice de 47 ans, lors de cette manifestation à La Haye.

- Patate chaude -

Le gouvernement, chargé de l'évaluation des compensations des habitants, a érigé une commission indépendante en mars pour étudier les quelque 14.000 demandes reçues.

Mais les rapports d'experts et les ordres de travaux et de paiement tardent à venir, noyés dans l'entremêlement d'instances administratives qui se renvoient la balle.

Il en résulte une "incertitude totale, qui entrave les projets d'avenir" des habitants, souligne M. Huizing.

"Toutes les factures de dédommagement de dégâts liés à la production de gaz seront payées", a assuré au printemps Shell Pays-Bas qui détient, à parité avec ExxonMobil, le groupe NAM, exploitant du gisement de Groningue.

Entretemps, la population implore les dieux de la patience. "Cyniquement", confie Bert-Jan Huizing, "on en serait presque à souhaiter un nouveau séisme pour que les choses bougent enfin".

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