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Plébiscitée, la lentille verte fragilisée par les aléas climatiques

"C'est clairement une des pires années": la filière est unanime, la récolte de lentilles vertes a été catastrophique, victime des aléas climatiques qui ont fragilisé la croissance de ces légumineuses pourtant plébiscitées par les Français.

"Nous avons récolté trois quintaux par hectare contre huit à dix d'habitude", détaille Thomas Morin, directeur industriel de Sabarot, entreprise basée à Chaspuzac en Haute-Loire, qui conditionne la lentille verte du Puy.

La reine des lentilles vertes, appréciée des grandes tables, bénéficie d'une appellation d'origine protégée (AOP) depuis 2008. Elle est cultivée par près de 900 agriculteurs sur un territoire très restreint qui profite d'un micro-climat.

"Nos besoins en lentilles vertes du Puy atteignent environ 1.500 tonnes par an. Nous avions à peu près la moitié de ces volumes en 2019 mais cette année, nous en aurons à peine 20%", explique le responsable, pour lequel "c'est clairement une des pires années".

Aucun impact sur les prix mais il faudra "limiter les quantités aux clients", affirme-t-il.

En cause, la sécheresse de l'hiver et du printemps, suivie d'un intense épisode pluvieux au mois de juin, puis d'un été très sec.

"La lentille reste une plante fragile, très sensible aux excès climatiques", explique Philippe Boyer, président de l'organisme de défense et de gestion de la lentille verte du Puy.

Chaque gousse contient habituellement deux lentilles: "Cette année, c'était une, voire zéro!", témoigne Paul Dumas, cultivateur bio près de Borne (Haute-Loire) depuis 1976.

"Sans la grosse pluviométrie de juin, c'était un tapis de lentilles et j'aurais pu assurer 15 quintaux!" regrette le producteur, en montrant ses parcelles où la moutarde blanche a remplacé la lentille récoltée en septembre.

Avec cinq quintaux par hectare, il estime toutefois avoir limité les dégâts, grâce à un savoir-faire qui lui permet de réduire la présence de mauvaises herbes, insectes ou maladies.

-Consommation en hausse-

En région Centre-Val de Loire, le constat est identique: "On a eu une récolte comme on n'a jamais vu depuis l'introduction de la filière dans les années 1950", affirme Cécile Taillandier, responsable commerciale de Cibèle (Groupe Axéréale), qui regroupe les 45 producteurs de Lentilles vertes du Berry (IGP et Label rouge), répartis sur 49 communes de l'Indre et du Cher.

"Sept quintaux par hectare en moyenne (contre vingt habituellement), les anciens n'ont jamais vu ça. Pour l'appellation, ça va être difficile", ajoute-t-elle.

Toutefois, cela "ne met pas en péril les exploitations", car la lentille, comme en Haute-Loire, ne reste qu'un complément de revenus. Et plutôt "très bon" d'habitude, souligne la responsable.

Pour Laurent Cordaillat, producteur de céréales et de lentilles vertes du Berry à Saint-George-sur-Arnon (Indre), plusieurs facteurs expliquent cette annus horribilis. Paul Dumas et son fils Nicolas, cultivateurs bio de lentilles, dans leur ferme à Borne (Ardèche), le 7 octobre 2020

"La première semaine d'avril a été froide, ce qui n'a pas favorisé la croissance des plants. Et puis ensuite, ça a été sec. Les champignons et les pucerons sont apparus bien plus tôt et en bien plus grand nombre que prévu". Résultat, des plants petits, parfois même pas récoltables...

Pourtant, la demande de lentilles vertes est en augmentation, dans le sillage d'une consommation plus orientée vers les protéines végétales, jugées meilleures pour la santé et l'environnement.

Cet effet a été accentué par le confinement, pendant lequel les Français ont massivement consommé des légumes secs.

Reflet de cette tendance, la surface cultivée de lentilles, en majorité vertes, a plus que doublé en France depuis 2015, passant de 17.000 à 37.000 hectares aujourd'hui, selon le site de l'interprofession des huiles et protéines végétales Terres Univia.

"En cinq ans, nos ventes de légumes secs ont augmenté de 50%. Pour cette seule année, nous serons à +10%", précise le directeur industriel de Sabarot.

Pour autant, difficile d'envisager une augmentation des surfaces en Haute-Loire où les producteurs sont souvent des éleveurs: les sécheresses récurrentes pourraient les pousser à favoriser la production de fourrage pour leurs bêtes, au détriment de la lentille.

"Chez nous, on rempile", assure le Berrichon Laurent Cordaillat. "On ne sait pas si c'est amené à se reproduire... mais on se posera des questions si ça continue."

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