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Procès Monsanto: la santé du plaignant au coeur des débats

La santé de Dewayne Johnson, atteint d'un cancer en phase terminale qu'il attribue à l'herbicide Roundup de Monsanto, était au centre des débats lundi lors du procès qu'intente cet Américain à la multinationale aux Etats-Unis.

"Ma vie a complètement changé" après le diagnostic en 2014, a notamment déclaré Dewayne "Lee" Johnson, autrefois très sportif, qui témoignait lundi, de sa voix au timbre grave, devant un tribunal de San Francisco (ouest).

A 46 ans, ce père de deux garçons souffre d'un lymphone non-hodgkidien, incurable, qu'il attribue au fait d'avoir vaporisé, dans le cadre de son travail, en 2012 et 2014 du RoundUp et du RangerPro, deux herbicides commercialisés par le géant agrochimique Monsanto.

C'est la première fois que Monsanto, qui vient d'être racheté pour l'allemand Bayer, se retrouve sur le banc des accusés pour des effets potentiellement cancérigènes de ces produits contenant du glyphosate, une substance controversée.

Alors que M. Johnson "faisait tout dans la maison", il ne peut plus aider son épouse, Araceli, a-t-il dit, suscitant quelques sourires dans l'assistance, en parlant de ses enfants ou de la répartition des tâches ménagères.

Avant le diagnostic, "on n'avait pas de soucis, pas de stress, la vie était belle", a témoigné peu avant son épouse, contrainte désormais de travailler 14 heures par jour et d'avoir deux emplois pour "aider avec les factures", son mari n'étant plus en mesure de travailler.

Quand elle a appris la maladie, son monde "s'est effondré". "Je ne voulais pas y croire", raconte-t-elle à la barre, sourire inquiet et voix faible.

- Silence de la défense -

Aujourd'hui, "c'est très difficile, très stressant, c'est trop (dur) d'expliquer ce que je ressens", ajoute-t-elle, racontant les moments de détresse de son mari, où endurant la chimiothérapie, il "pleurait en cachette".

L'audience avait débuté par le témoignage du Dr Ope Ofodile, dermatologue, l'un des médecins de Johnson en 2014 et 2015. Elle a notamment commenté des photos de lésions sur le corps de M. Johnson ou encore sa réponse aux premiers traitements.

Face aux témoignages chargés d'émotion, les avocats de Monsanton sont pour l'heure restés silencieux, se gardant de poser des questions.

Entre 2012 et 2014, M. Johnson a vaporisé sur des terrains scolaires d'une petite ville de Californie, dans l'ouest des Etats-Unis, du Roundup ainsi que du RangerPro, produit similaire au Roundup.

Selon M. Johnson, c'est leur principe actif, le glyphosate, qui a causé sa maladie, et Monsanto a sciemment dissimulé sa dangerosité alors qu'il aurait dû en informer le public.

"Monsanto sait depuis 40 ans que les composants de base du Roundup peuvent provoquer des tumeurs chez des animaux de laboratoire", avait affirmé l'un des avocats du plaignant, Brent Wisner, au premier jour du procès, le 9 juillet.

La tâche de l'accusation est ardue car il s'agit de convaincre les jurés du lien entre les produits au glyphosate de Monsanto et le cancer de Dewayne Johnson alors que celui-ci n'a pas été prouvé scientifiquement en dépit de longues années de débat.

De son côté, Monsanto s'est attaché depuis le début du procès à réfuter tout lien entre glyphosate et cancer, études scientifiques à l'appui, qui sont, elles, contestées par les détracteurs du glyphosate.

"Le cancer de M. Johnson est une maladie terrible et nous devons tous avoir la plus grande empathie pour l'épreuve qu'il traverse", avait pris soin de souligner l'un des avocats du groupe Monsanto à l'ouverture du procès, George Lombardi.

- Etudes sujettes à caution ? -

"Les preuves scientifiques montrent que les produits à base de glyphosate ne provoquent pas le cancer et n'ont pas entraîné le cancer de M. Johnson", avait-il toutefois argué.

La défense de M. Johnson a dit espérer "le plus possible" en dommages et intérêts de la part de Monsanto, qui fait l'objet de milliers de procédures en justice aux Etats-Unis.

Contrairement à l'agence fédérale américaine de protection de l'environnement (EPA), la Californie, où se trouve San Francisco, a placé le glyphosate sur la liste des produits cancérigènes.

Le glyphosate est aussi classé "cancérigène probable" depuis 2015 par l'Organisation mondiale de la santé (OMS), mais pas par les agences européennes, l'Efsa (sécurité des aliments) et l'Echa (produits chimiques).

Plébiscité par les cultivateurs pour son efficacité et son faible coût, il fait particulièrement polémique en Europe et notamment en France.

Le procès Monsanto devrait durer au moins jusqu'au mois d'août.

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