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Procès Tarnac: des livres politiques et une vie communautaire

"Le tribunal n'a pas eu 18 en allemand au bac": l'escapade champêtre du tribunal semblait lundi avoir levé les tensions au procès Tarnac où il a été question de livres en français et allemand parlant du sabotage de ligne SNCF, mais également du mode de vie communautaire du groupe.

Au neuvième jour du procès à Paris des membres de la communauté libertaire de Tarnac, la présidente Corinne Goetzmann s'est intéressée aux objets et documents saisis par les policiers lors des 23 perquisitions opérées au début de l'enquête.

Au total, 610 objets ont été saisis dont une cinquantaine de livres, des affiches proclamant "C'est par le flux que ce monde se maintient, bloquons tout". Mais aucun explosif ni aucune arme n'a été découvert si ce n'est une simple "fronde", a noté la présidente.

Les prévenus sont poursuivis pour association de malfaiteurs, dégradations ou faux et recel de documents volés.

Mais avant d'entamer les débats, la magistrate s'est félicitée du déplacement "fructueux" vendredi du tribunal correctionnel en Seine-et-Marne, sur les lieux même du sabotage d'une ligne SNCF pour lesquels Julien Coupat et Yildune Levy sont poursuivis.

"Il a permis de faire de nombreuses constatations, de voir les points de désaccord entre l'accusation et la défense mais aussi des éléments objectifs difficilement contestables", a-t-elle expliqué.

- "nounou autrichienne" -

Parmi les livres saisis dans la "bibliothèque partisane" du groupe à Tarnac, un ouvrage en allemand a retenu l'attention des policiers. Intitulé "Autonomes en mouvement", il évoque la pose de crochets sur des lignes SNCF lors du passage de trains Castor de transport de déchets nucléaires.

"La perquisition de cette bibliothèque illustre la construction de ce dossier", a commenté Coupat. "Sur 5.000 livres politiques, on a extrait 5 pages d'un livre de 400 pages", dit le prévenu, arguant de sa maîtrise insuffisante de l'allemand technique pour lire un tel ouvrage.

- "Il faut pas vous sous-estimer M. Coupat", lui dit la présidente, lui rappelant qu'il a eu 18 au bac en allemand.

- "J'ai noté que vous aviez aussi une bonne prononciation", élude alors Coupat.

- "Oui, mais le tribunal n'a pas eu 18 au bac en allemand", s'amuse la magistrate.

- "A ma décharge, j'ai eu cette note dans la plupart des matières. Et pour l'allemand, je l'avoue, j'ai eu une nounou autrichienne", dit Coupat.

- "plume principale" -

Mais c'est un autre livre qui a été pendant des années au centre du dossier Tarnac.

"L’insurrection qui vient", pamphlet politique signé du "comité invisible" mais longtemps attribué à Coupat, était considéré comme le fondement idéologique du groupe par l'accusation. Dans ses pages, il théorise le sabotage "de la machine sociale" par l'interruption de ses "réseaux" et notamment "des lignes SNCF".

"Je suis la plume principale de l’+Insurrection qui vient+ et Julien Coupat n'y a participé d'aucune manière", a réaffirmé à l'audience Mathieu Burnel.

"Pour l'accusation +le comité invisible+, c'est de la dissimulation. Pour nous, c'est un rejet d'une fiction selon laquelle une expression peut être individuelle. Nous ne sommes que des passeurs d'expériences", a-t-il expliqué sans s'exprimer sur le fond de l'ouvrage.

Auparavant, la présidente avait interrogé deux autres prévenus, Christophe Becker et Manon Glibert sur des pièces d'identité volées retrouvées à leur domicile. Refusant de s'exprimer sur le fond, ils ont mis en avant le contexte de leur vie communautaire pour nier la propriété des documents.

"Je ne savais pas qu'il y avait ces objets chez moi", a affirmé Manon Glibert, professeur de musique. "On vivait à trois en colocation mais plein de gens passaient. Il n'y avait pas de propriété, tout était partagé logements, téléphone, ordinateur... Notre appartement était libre d'accès", a-t-elle rapporté.

"Le partage ne se limitait pas à un contrat d'assurance, c'était le labour dans les champs, la tenue d'une épicerie, l'organisation d'expositions, l'accueil de ceux qui souhaitaient faire une halte", a abondé Christophe Becker.

"Nous ne sommes pas là pour juger votre vie communautaire", a expliqué la présidente notant que ce partage n'excluait pas les espaces privés puisqu'on a retrouvé des documents cryptés, des comptes séparés dans les ordinateurs.

Suite du procès mardi matin.

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