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Quartiers Nord de Marseille : face aux armes, les habitants ne comptent que sur eux-mêmes

Ne compter que sur soi-même. Une semaine après l'irruption, Kalachnikov à la main, d'un commando encagoulé dans une cité des quartiers Nord de Marseille, ses habitants, désabusés et en colère, veulent prendre les choses en main.

Il y a foule au centre social l'Agora, un bloc de béton au fond d'une allée à la chaussée défoncée de la cité de la Busserine, à quelques dizaines de mètres des lieux de la fusillade dont les images, tournées lundi dernier, ont suscité une avalanche de réactions politiques.

Elle n'a pas fait de victime, mais les auteurs se sont enfuis à la barbe des policiers, après les avoir mis en joue. Plusieurs jours après, les habitants réunis crient leur colère.

"Non, nous ne sommes pas des complices des dealers. Oui, c'est vrai, nous sommes responsables de nos enfants. Mais l'Etat, lui, est responsable de notre précarité", s'indigne Céline Burgos, une grand-mère qui habite depuis des décennies dans le quartier.

"Moi, j'ai sorti mon fils des réseaux, et j'ai été voir les autorités. Et qu'est-ce qu'on m'a dit ? Débrouillez-vous, votre fils il a le cul merdeux!", s'insurge cette aide-soignante. Qui rappelle que beaucoup n'ont pas choisi cette cité mais y ont été "assignés", lorsque leur logement social leur a été attribué.

Après la fusillade, ces Marseillais se sont sentis abandonnés tant par la mairie d'arrondissement, tenue par le Front national, que par le maire Les Républicains de la cité phocéenne, Jean-Claude Gaudin, qui n'a réagi, par un communiqué, que cinq jours après.

"Quand tu vois les 4x4 venir ici acheter de la drogue, c'est pas des habitants des quartiers Nord !" mais de toute la ville, relève un homme, Afid Abdelkrim.

- Relative indifférence -

Quant à la visite express du ministre de l'Intérieur Gérard Collomb, avec un arrêt en pleine nuit dans un kebab, ils en rient : "venir dans un snack à minuit? Il ne se respecte même pas lui-même !", raille Chadali, 21 ans.

Désormais auto-entrepreneur, ce jeune homme qui avait mené avec des amis, l'année de la présidentielle, toute une opération pour inciter le quartier à s'inscrire sur les listes électorales, n'attend plus rien de l'Etat --si ce n'est "du respect".

Les politiques de rénovation urbaine? Dans la poussière des travaux depuis plus de deux ans, nargués par la bretelle d'autoroute flambant neuve qui frôle leurs tours, ils n'y croient plus.

Les renforts policiers? Ils n'ont jamais pu mettre un point final au trafic.

La question du deal "ne se résoud pas à partir des seules mesures répressives", souligne Anne-Marie Tagawa, une militante impliquée dans le quartier. "Le trafic ne représente pas un simple gain financier, il procure un statut social" aux jeunes qui y collaborent.

Pour éviter que les jeunes ne tombent dans le deal, la Busserine fourmille d'initiatives. Mais les habitants dénoncent les coupes dans les subventions et la fin des emplois aidés, qui pèsent sur les sorties culturelles, la formation, ou les actions sociales.

Beaucoup de ces initatives ne reposent plus que sur les mamans bénévoles, "qui doivent arrêter à 16H00 pour aller chercher les enfants", regrette un associatif.

"Il faut qu'on soit entendus. Les acteurs sociaux sont en souffrance, les associations ferment. Il ne faut pas faire des projets depuis Paris alors que le problème est à la Busserine", enrage Fadela Ouidef, 33 ans.

Les habitants, qui avaient déjà mis sur pied un groupe de parole contre la violence, veulent désormais organiser une marche et une journée de réflexion. En y associant les collégiens du quartier, traumatisés par le meurtre récent d'un adolescent à l'arme blanche.

"Toutes les tragédies ne sont pas sur YouTube", souligne Aurélie Moulin, enseignante et présidente du centre social du quartier, qui rappelle qu'il a été le théâtre de plusieurs meurtres violents, dont plusieurs analysés par les policiers comme des règlements de comptes sur fond de trafic de drogue. Dans une relative indifférence, regrette-t-elle.

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