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Rester "soudé", la recette d'un trio de jeunes restaurateurs étoilés

"Restaurateur c'est un métier de passion, mais il y a beaucoup de pression: on s'est soutenus tous les trois". Julia Sedefdjian, 23 ans, et ses deux jeunes partenaires forment une "famille" au restaurant Baieta, qui a décroché une étoile au Guide Michelin 2019.

Dans un secteur au fort turn-over dû à des conditions de travail difficiles, des rémunérations faibles et de lourds horaires, les trois associés font une équipe soudée qui a ouvert l'an dernier deux établissements dans le 5ème arrondissement de Paris: Baieta et Bo, un "bar à manger" caribéen.

"A l'école hôtelière, on m'avait dit: ça va être très très difficile, il faut s'accrocher, les chefs sont caractériels", se souvient le directeur de salle Grégory Anelka, 30 ans, d'origine martiniquaise comme son cousin Sébastien Saint-Joseph, second de cuisine de 26 ans et bras droit de la chef.

Entrés tous trois comme commis aux Fables de La Fontaine, une petite table gastronomique, étoilée, du VIIème arrondissement, ouverte 7 jours sur 7, ils ont "très vite créé un cocon", ce qui les a "beaucoup aidés à avancer dans les moments difficiles", raconte-t-il à l'AFP.

"Pendant six ans, on s'est serré les coudes", renchérit Julia, regard volontaire et piercing sous la bouche. "Quand tu dors 4 heures par nuit et que tu sais que le lendemain matin il y a encore 150 couverts à faire, c'est dur. On n'est pas des robots, par moment on a envie de lâcher mais il faut être là pour les clients".

Ne pas prendre de vacances pendant deux ans, "parce que tu as envie d'être le meilleur et d'assurer...on a fait des sacrifices sur la famille, sur notre vie", résume la jeune chef. "En deux ans et demi, on a vu 90 employés défiler: tout le monde n'est pas fait pour ça".

Dans un secteur des hôtels-cafés-restaurant où 40.000 à 50.000 emplois sont vacants chaque année, le syndicat patronal Umih assure avoir fait des efforts pour rendre ces métiers plus attractifs, en créant une mutuelle santé et en relevant un peu les salaires, mais le travail avec des coupures imposées et l'absence de jours de repos consécutifs découragent.

- Menu accessible -

Après un bac scientifique et une année de STAPS (sciences et techniques des activités physiques et sportives), Grégory Anelka a intégré l'école de gastronomie et de management hôtelier Ferrandi, tandis que Sébastien Saint-Joseph se formait à l'Institut Paul Bocuse, à Lyon.

"Très gourmande", Julia Sedefdjian entre à 14 ans au restaurant Aphrodite de Nice auprès du chef David Faure, décroche deux CAP, cuisine et pâtisserie, et part à Paris.

Aux Fables de La Fontaine, son ascension est fulgurante: sous-chef à 18 ans puis chef à 20 ans, elle conserve l'étoile du restaurant et devient à 21 ans, la plus jeune femme chef étoilée de France.

Le 12 mars 2018, le trio a ouvert Baieta, "Petit bisou" en patois niçois, dans le stress, après avoir dormi sur place pour protéger le local des intrusions, le froid empêchant la colle de fixer le cadre de la vitrine.

A la carte, un menu déjeuner à 29 euros où se côtoient un aïoli servi avec des moules en tempura, un poulpe confit et la "bouillabaieta", une bouillabaisse revisitée. Moins d'un an après l'ouverture, la chef décroche une étoile au Guide Michelin 2019.

Après avoir souffert d'une "trop grosse barrière avec ses supérieurs", Julia essaie d'être "à l'écoute" avec sa jeune équipe - tous ont moins de 24 ans: "On prend le temps de discuter, on sort ensemble le week-end pour se souder, on fête les anniversaires".

"Et dire un petit merci de temps en temps, ça fait la différence. En dix mois, personne n'est parti, je n'ai jamais vu ça", dit-elle. Et plus question de travailler 7 jours sur 7: Baieta ferme dimanche et lundi.

Après avoir rencontré des banquiers qui leur ont "ri au nez", se souvient Grégory, la Bred de Martinique, décidée à "aider les entrepreneurs ultra-marins", les a suivis. "Ici, il faut avoir 40 ans pour qu'on vous fasse confiance", déplore le jeune restaurateur.

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